Maude Harcheb
LE MOIS UN
27 novembre
Je me réveille tôt. J’aurais du avoir mes règles la veille, ou peut-être qu’elles arriveront aujourd’hui. J’attrape quand même un test de grossesse dans la salle de bain, j’en ai toujours en stock depuis trois mois. Je fais pipi sur le stick et j’attends. Antho et Indie dorment encore, la maison est silencieuse et sombre. Y’a deux traits.
Y’a deux traits ? J’ai fait pas mal de tests de grossesse les mois précédents et j’avais toujours l’impression de voir un deuxième trait, tout fin, tout pâle, avant de me rendre à l’évidence. Mon imagination, une projection de mon désir, un mirage. Le trait fantôme.
Mais là, il y A deux traits. Un bien marqué et l’autre très timide. Je réveille Antho et lui demande de venir voir. En comprenant que je l’entraîne vers les toilettes, il me demande : « c’est positif ? ». J’acquiesce en souriant. Voilà, je suis enceinte.

On est contents mais on ne fait pas d’effusion de joie. Parce que c’est trop tôt, parce que ça arrive vite, parce que pour lui comme pour moi c’est pour l’instant un deuxième trait à peine visible sur un stick. On ne réalise pas, il va nous falloir un peu de temps. Indie est réveillée, elle m’appelle. Antho a bossé super tard la veille, il retourne se coucher.
Toute la journée, je retourne regarder le test, vérifier si le trait est toujours là ou si je l’ai rêvé. J’essaye d’intégrer la nouvelle. Je me répète que je suis enceinte, je suis enceinte. Ça ne marche pas tellement. Je le comprends de manière rationnelle, mais l’information ne colle pas à mon cerveau. Elle file aussitôt.
Les jours suivant, je fais beaucoup de tests de grossesse, je me demande pourquoi le trait est si fin. Pour mes autres grossesses, le trait était bien net dès le début. L’idée d’une potentielle fausse couche est très présente dans mon esprit, celle d’une grossesse extra-utérine aussi, allez savoir pourquoi. Je me trouve fatiguante à toujours laisser mon esprit naviguer les pires scénarios. J’aimerais me réjouir, j’aimerais tant ! À dire vrai, j’avais imaginé que pour une seconde grossesse ma joie serait plus évidente, plus instantanée. Pas du tout.
La semaine sera chargée, Antho et moi avons pas mal de RDV puis il partira quatre jours en Égypte jusqu’au dimanche soir. J’ai des douleurs, comme de petites crampes et des tiraillements dans le bas ventre, c’est normal, je le sais parfaitement. Mais si ça ne l’était pas ?
Je souhaite être suivie par une sage-femme pour cette grossesse, je regarde quelles sont les praticiennes près de chez moi. Elles ne sont pas nombreuses et sont déjà bookées jusqu’à fin Décembre au plus tôt. Je sais que médicalement parlant je n’ai pas besoin de consulter plus tôt, mais ça me semble bien loin. Trop loin.
1er décembre
J’ai pris rendez-vous sur Qare avec une sage-femme ce matin. Je ne me voyais pas attendre presqu’un mois sans aucun examen. Elle me prescrit des analyses de sang et me fait une ordonnance pour une échographie de datation. C’est surtout cela qui m’intéresse. Faire une échographie pour voir.
Dans le coin, seulement deux sages-femmes sont également échographes, et déjà bookées jusqu’à fin janvier. Les centres d’imagerie ne font pas les écho de datation. Okaaaaaaaay !
Après moultes recherches, je trouve un centre qui accepte de me recevoir cinq jours plus tard. Ce sera 45 minutes de route aller et retour. C’est long, mais c’est bientôt.
2 décembre
Ce soir, j’ai participé avec les autres membres l’APE de l’école d’Indie à une distribution de sapin de Noël qu’on vend au profit de l’association. Après, je dois aller récupérer Indie chez des copains qui la gardent. Sur place, la phrase tant redoutée ne se fait pas attendre : « tu bois un verre de vin ? » Je ne sais pas vraiment dire non. Je ne sais pas dire non de manière générale dans la vie, j’y travaille, mais là encore plus. J’ai l’impression que refuser un verre d’alcool signalerait immédiatement ma grossesse. J’accepte, l’air détaché, full poker face.
Les enfants sont à table et mangent, ça va durer un petit moment, j’ai pas Antho pour m’aider à camoufler ma supercherie, je me sens tellement conne devant mon verre de vin ! Tu pouvais pas simplement dire non ? Tchin ! Je fais semblant de boire. Dans les minutes qui suivent je me lève plusieurs fois de table, prétextant vouloir voir de plus près tel ou tel meuble, tel ou tel matériau. Ce que je veux bien évidemment, c’est l’opportinité de balancer mon vin n’importe où. Mais la cuisine est ouverte sur le salon et littéralement à coté de la table où nous sommes.
Lorsque les enfants finissent enfin de manger, ils se lèvent pour débarrasser et alors que je prétends recueillir l’assiette de l’un d’eux pour la mettre dans l’évier, je balance le contenu de mon verre. Ils m’ont sûrement vue, c’était pas discret. Puis ça sent fort. Bah oui idiote, ça sent fort le vin dans un évier. Fuuuuuck ! On part.

3 décembre
Indie et moi allons au restaurant avec les copains de la veille. Bon, ils n’ont l’air de se douter de rien. À table, à la question « on boit quoi ? », j’annonce que j’ai super envie d’un Oasis tropical. Discret ! Impeccable ! Qui boit de l’Oasis à 35 piges ?
Maintenant ils se doutent probablement…heureusement, les gosses sont surex et on passe la moitié du repas à essayer de les garder à table et à gérer des bouderies. Et dire que j’en ai un de plus dans le ventre… !
Indie est super dure en ce moment, ce qui est assez inhabituel. C’est une petite fille facile à vivre, hormis quelques petites crises passagères, elle est calme et douce. Mais ces derniers temps, on a l’impression d’avoir Esther à la maison, ce qui nous laisse perplexe. Je crois qu’elle sent, qu’elle sait qu’il se passe quelquechose. Bon sang, les enfants sont vraiment des petits animaux à l’instinct surdéveloppé !
À ce stade, personne ne sait que je suis enceinte. Juste Antho et moi. Mes deux meilleures amies sont pourtant bien au courant du projet, je leur raconte tout depuis plusieurs mois : elles connaissent mon cycle, sa longueur, les périodes d’ovulation, je leur raconte mes tests de grossesse mono traits, mes règles qui arrivent, toujours si douloureuses…
Mais quand j’ai su que j’étais enceinte, je n’ai rien dit. Je n’en avais aucune envie. J’ai menti quand on m’a demandé « ça va ? », manière détournée et pudique de me demander si j’avais eu mes règles. Alors je continue de mentir encore un peu, jusqu’à ce que je sois prête.
Dans une petite dizaine de jours, ma meilleure amie, J., fête son anniversaire, on sera en petit comité, je me suis mise d’accord avec Antho pour faire la toute première annonce à ce moment là. Ce sera tôt, mais je ne me vois pas tellement faire autrement. Au programme de la soirée, une soirée raclette. Être en début de grossesse en Décembre n’est vraiment pas évident ! Y’a tellement de pièges à esquiver entre les raclettes et les repas de fête…dur de rester incognito. Pour ma part, me cacher pour jeter un verre de vin, avoir peur qu’on remarque que je ne mange pas telle ou telle chose, ce n’est pas mon délire, ça ne m’amuse pas. Ça me fait me sentir traquée, ça me donne envie de me replier pour toujours dans ma coquille de bon cancer que je suis.
Je déteste cette période, celle où tu es entre deux mondes, déjà enceinte, mais peut-être pas définitivement. Celle où aux yeux de tous, tu es la même qu’il y a quelques jours, alors que dans ton corps et ta tête tout est déjà si différent. T’as envie de crier « JE SUIS ENCEINTE ! » et à la fois tu dois protéger cette information comme un précieux trésor, parce que ça ne sera pas long avant que cette nouvelle doive être partagée avec le monde entier.
Alors là, tout de suite, je suis dans cette ambivalence. J’aimerais ne rien avoir à cacher mais je ne peux pas encore parler parce que je ne suis pas prête.
4 décembre
Je dois passer chez Leclerc rapidos acheter trois trucs, j’y traîne Indie qui est encore en pyjama rose en pilou. J’ai deux trois trucs à prendre pour faire un gateau et je me refais un stock de tests de grossesse puisque je continue irrationnellement d’en faire régulièrement.
Comme je suis très organisée j’ai pas pris de panier alors j’ai tous les articles qui degueulent dans mes bras, tests de grossesse bien en évidence. Dimanche de Décembre, le mago est bondé, ça se bouscule aux rayons jouets et chocolats.
On se fraye un chemin rapide en direction des caisses, quand au bout d’une allée je tombe littéralement nez à nez avec une copine. Je panique, elle va voir les tests direct ! Je ne sais par quel miracle, mais elle est tellement concentrée à regarder je ne sais quoi, qu’elle ne me voit pas. Je baisse les yeux, prie pour qu’elle ne remarque pas Indie en total look rose qui traine des pieds deux mètres plus loin en chantonnant et prends la première à droite ! Ouf.
Je presse Indie et me dirige vers les caisses libre service. L’hôtesse m’accueille d’un grand « Oh je vous connais ! Vous êtes Maude ! » Arrrrggggh vraiment ? Toutes les caisses sont ouvertes, y’a des dizaines d’employés de caisse, je suis pas exactement Beyonce et je tombe sur LA personne qui me reconnaît.
C’est un complot de l’univers ou quoi ? Est-il possible d’être en cloque et d’acheter ses tests de grossesse sans manquer de se faire gauler tous les dix mètres ? Est-il possible qu’on ne mange pas forcément des raclettes ? Est-il possible qu’on boive autre chose que de l’alcool ?
Je me sens ridiculement traquée, comme si tout était fait exprès pour me pièger : « Ahh ! Prise sur le fait ! Enceinte ! » Sinon, serait-il possible que les hormones me rendent légèrement parano ? Non. C’est toi qui est parano, pas moi.

5 décembre
Les labo d’analyse étaient en grève ces trois derniers jours, je n’avais donc pas encore pu faire les analyses de sang prescrites par la sage-femme de Qare. Ça m’arrangeait légèrement à dire vrai. Si je pouvais, je ne ferai aucune analyse de sang, jamais. Je suis PHOBIQUE de l’intraveineux. La simple pensée, la seule évocation d’une prise de sang me tord le bide et me donne des bouffées de chaleur. Et là, l’ordonnance, elle a beaucoup de lignes, la prise de sang va durer longtemps. J’angoisse.
Je pars en même temps qu’Antho qui va déposer Indie à l’école, mais je prends la direction du labo. Je m’attends à ce que ce soit bondé après la grève et c’est le cas, une longue file d’attente est en place dehors. J’attends 30 minutes avant de pouvoir rentrer dans la salle d’attente intérieure.
Une femme sur une chaise a l’air mal en point, son masque baissé, le teint blafard, la poubelle entre ses jambes. Mon autre phobie ? Vomir ! Je me demande si elle aussi vient pour sa prise de sang mensuelle de suivi de grossesse - ce qui expliquerait ses vomissements - ou si elle a quelque chose de moins drôle. J’espère fort que ce soit la première option.
Lorsque c’est enfin à mon tour, j’informe le laborantin que je suis un cas particulier. C’est un grand mec d’une cinquantaine d’année à l’accent - russe ? - prononcé. Je lui explique que je fais souvent des malaises. Il ouvre la fenêtre et m’autorise à baisser mon masque pour bien respirer. Je lui demande de me piquer sur le bras gauche, il accepte mais je dois me contorsionner pour le lui tendre de l’autre coté du fauteuil, alors que son tabouret roule et qu’il pourrait venir du bon côté. Bref.
Il pique, je respire fort, il me demande si ça va, bien sûr que non, je continue de respirer bien fort, il critique ma manière de faire et me dit de respirer normalement, je ferme les yeux pour ne rien voir, je pince le bout de mes doigts pour me concentrer sur une autre sensation que celle de mon sang que l’on aspire, ça dure beaucoup trop longtemps, je ne vais plus gérer, il me redemande si ça va, ma tête tourne, ma nuque est lourde, mes oreilles bourdonnent, je vais faire un malaise, je lui dis, il se dépêche de finir. Il colle un bout de coton au pli de mon bras et m’allonge.
Ça tourne, je me sens mal, j’ai envie de pleurer. Je suis en NAGE, trempée de sueur. Il me dit de rester là quelques minutes le temps que ça passe, mais comme toujours dans ces cas là, je culpabilise.
Y’a une file d’attente pas possible dehors, pas beaucoup de salles de prélèvement, le personnel est en période de crise et je bloque tout. J’essaye de m’asseoir. C’est bof, mais je vais pas rester là une heure. Je me relève doucement, prends mes affaires et sors fébrilement de la salle. J’envoie un message à Anthony : « viens me chercher avec un truc sucré stp. » Il a l’habitude et se tenait prêt. Je l’attends dehors, assise sur un bout de muret. J’engloutis une compote à boire et on rentre. J’ai le bide en vrac. 1 sur 9 de faite. Plus que 8. Putain.
6 décembre
J’ai rendez-vous à 8h45 au centre de radiologie pour l’échographie de datation. Ça me fait toujours rire cette expression ! Je sais parfaitement de quand date ma grossesse. Pendant les 45 minutes de route je bois une gourde entière d’eau pour arriver avec la vessie pleine comme demandé. Une fois sur place je prie pour qu’il soit à l’heure parce que ma vessie n’est plus aussi performante qu’avant Indie.
Le docteur est à l’heure et très sympa. Il me met le gel glacé sur le ventre et commence à le compresser pour chercher ce qui l’intéresse. Je prie tous les dieux pour que ma vessie tienne bon. Il ne voit pas bien : « je vais passer par voie vaginale. » Yep, j’ai l’utérus rétroversé, toujours un moment de bonheur aux échographies !
Une sonde vaginale plus tard, c’est bon, il est au bon endroit. On voit bien un « sac gestationnel intra utérin », aka il y a bien un début de grossesse et au bon endroit. Mon idée sortie de nulle part d’une grossesse extra-utérine est balayée, merci au revoir.
Par contre, dans l’œuf il n’y a pas d’embryon. « Certainement une questions de jours ! » m’explique t-il. Il m’invite à reprendre rendez-vous d’ici trois semaines. Bordel, TROIS semaines.
C’est trop tôt, je suis venue trop tôt. J’ai tellement voulu me rassurer vite quand à la viabilité de cette grossesse, pour moi-même et aussi pour pouvoir faire les premières annonces rapidement, que j’ai brûlé les étapes.
Finalement, je ne suis qu’à moitié rassurée, puisque maintenant j’ai peur que l’embryon ne se développe pas, que l’œuf soit clair. Nouvelle angoisse irrationnelle sortie du chapeau. Je me fatigue. J’informe Antho de la situation et rentre avec les photos d’un sac gestationnel intra utérin et de son œuf sans embryon.
Sur la route, je pense au week-end qui arrive, à l’anniversaire de J. Changement de programme : pas d’annonce de grossesse. Je ne peux vraiment pas, c’est comme l’écho que je viens de faire, c’est juste trop tôt. Je ne peux pas annoncer une grossesse qui pour l’instant n’en est pas complétement une au vu de ce qu’on vient de me dire.
Par contre le menu lui ne change pas, il y aura de la raclette. Comment tu fais pour expliquer que tu manges pas la charcuterie et que tu bois pas un petit verre de blanc au juste ? Surtout moi qui en raffole et à qui on achète spécifiquement de la Coppa !
C’était d’ailleurs en refusant de manger de la coppa que j’avais annoncé être enceinte d’Indie il y a quatre ans ! En plus, J. est du genre méga enquêtrice, œil de lynx à qui rien n’échappe et qui analyse tout. Elle va scruter mon assiette. J’ai déjà perdu d’avance, je vais être obligée de me justifier. J’ai pas envie, je ne suis pas prête.

9 décembre
La vie est rigolote desfois. Elle te trouve des solutions, elle t’arrange. Par contre, elle le fait à sa façon et tu n’en discutes pas les modalités.
Alors que je me faisais des scénarios peu crédibles et des plans sur comment garder le secret de ma grossesse lors de la soirée raclette, Indie est tout simplement rentrée avec la grippe de l’école ce soir, veille du fameux week-end d’anniversaire ! Pas de quoi se réjouir évidemment, la pauvre bichette n’est vraiment pas bien, et ça me peinerait de rater l’anniversaire de J. maiiiiis ça laisse une porte de sortie pour éviter la raclette.
10 décembre
Oh oui, c’est bien la grippe. La nuit a été très mouvementée et Indie ne va pas fort. Je commence à me dire que la soirée raclette est fortement compromise, on ne va pas décemment débarquer avec notre gosse complétement amorphe et contaminer tout le monde avec cet horrible virus. Puis en tant que maman, c’est dur dur de voir ton enfant mal en point, t’as pas trop la tête à t’amuser.
Je préviens ma meilleure amie de notre absence le soir même, mais je rejoins quand même le groupe l’après-midi en extérieur pour une balade. Une simple balade, sans apéro, sans charcuterie, sans feinte, sans risque. Y’a du vin chaud au marché de Noël mais c’est degueu et tout le monde le sait, pas besoin d’excuses pour ne pas en boire. Easy. On s'arrête boire un chocolat à la place.
En rentrant, j’me sens bof bof, un peu fiévreuse. Ouais, mais non. J’ai pas le temps. J’ai une grosse semaine de boulot qui m’attends, je finis l’écriture de mon second livre et je dois rendre le manuscrit à l’éditeur dans les deux ou trois semaines à venir.

11 décembre
Fausse alerte, j’me réveille en forme et passe la journée à mon espace de co-working où j’avance à fond et rentre tard.
Nuit du 11 au 12 décembre
Indie, qui est toujours un peu malade, vomit après une quinte de toux. Antho se lève et je lui emboîte le pas, sauf que mon pas, il est un peu chelou. J’me traîne vraiment. C’est toujours assez pourri d’être tiré de son sommeil au milieu de la nuit, mais là, vraiment, je ressens la gravité très fort. Mon corps est attiré par le sol. Il veut s’allonger asap.
Le reste de la nuit n’est pas glorieux. J’ai clairement chopé la grippe à mon tour. Si t’as déjà eu une vraie grippe, la sensation tu la reconnais instantanément, le corps a une mémoire et il sait.
Et merde.
12 décembre
Je me confine dans la chambre à coucher pour ne pas contaminer Antho, en espérant que ce ne soit pas déjà fait. Il garde Indie qui n’est pas allée à l’école depuis 4 jours. On ne peut pas être deux dans cet état, la maison ne fonctionnerait plus et on a pas de famille proche pour nous relayer.
J’ai 40,5 de température et réalise qu’à aucun moment depuis le début de la grossesse je n’ai songé au vaccin contre la grippe. Je vais jeter un coup d’œil sur google au sujet de la grippe pendant la grossesse, erreur de débutant. D’après ce que je lis je vais peut-être mourrir, faire une fausse couche ou le bébé aura peut-être des malformations.
Je prends du Doliprane, le seuuuuul médicament autorisé enceinte, pour essayer de faire baisser la fièvre, mais je ne réponds pas très bien au paracétamol, ça ne me soulage pas souvent de quoique ce soit. J’ai un peu l’impression de prendre de l’homéopathie pour essayer de lutter contre la grande méchante grippe.
Je rassemble la totalité de mes forces pour aller faire un test covid / grippe à la pharmacie à 11h30. Positif à la grippe sans surprise.
En sortant je réalise que je suis absolument trempée, la fièvre est en train de tomber. Je suis affamée, on rentre et je mange un gros plat de pâtes avec des lentilles et du parmesan, toujours confinée dans ma chambre. Puis je voudrais vraiment vraiment dormir, sauf que j’ai mal partout et que mon corps est secoué de tremblements incontrôlables. La fièvre repart de plus belle.
Antho part se promener avec Indie vers 16h et je m’endors finalement un peu. Je me réveille une heure plus tard vraiment vraiment mal en point. Je prends ma température : 41.5 ! Je flippe, ça fait beaucoup, et si ça me provoquait une fausse couche ?
Je reprends un Doliprane et j’attends. J’ai tellement mal dans le visage, j’ai l’impression qu’on me tabasse avec un marteau. Puis, sous le coup de la fièvre, je commence à délirer.
Dans mon délire fiévreux, alors que mon corps est absolument inerte, allongé et immobile, un éclair de lucidité semble me frapper, TRÈS violemment : je suis enceinte.
Putain je suis ENCEINTE ! Je panique littéralement. Mon dieu, qu’a t-on fait ? Pourquoi ? Pourquoi a t-on décidé de refaire un enfant ? C’est de la folie, c’est n’importe quoi, qu’est-ce qui nous a pris ? Comment je vais gérer, comment je vais m’en sortir avec deux enfants ? Il faut que je dise à Antho qu’on doit tout annuler, c’est une horrible erreur. Putain, putain, putain ! Je suis dans une détresse écrasante.
Je ne peux quasiment pas bouger, mais dans ma tête se joue une découverte visiblement très surprenante qui agite tous mes méninges et va frapper au fin fond de mes angoisses existentielles. J’ai l’impression d’être dans un épisode de paralysie du sommeil qui ne s’arrête pas, sauf que là je suis parfaitement réveillée. Bah ouais t’es enceinte meuf !
Je reste dans cet état très flippant deux ou trois heures, le temps que la fièvre repasse sous le seuil des 40. Lorsque mes pensées sont de nouveau rationnelles, je reste sonnée par cette drôle d’expérience. C’était affreux ! Je suis perturbée d’avoir eu de telles pensées, d’avoir ressenti une telle panique à la simple pensée de ma grossesse.
Je suis à 6SA, il serait peut-être tout simplement temps de la considérer, de te confronter à cette information. Pas juste de le savoir rationnellement et de garder ça au chaud dans un coin de ma tête en me disant que je m’y pencherai plus tard. Maude, je crois qu’il est temps de te regarder en face.
Ça te fait quoi d’être enceinte ? Tu dis beaucoup que tu ne « réalises pas », mais pourquoi ? Est-ce que finalement tu avais vraiment suffisamment réflechi à ce deuxième enfant ? Pourquoi à ce jour, cette grossesse a pour le moment si peu de place dans ton quotidien ? Pourquoi on en parle quasiment pas avec Anthony ?
Je réalise qu’on fait tous les deux presque comme si elle n’existait pas. On en parle que pour le strict minimum, pour les quelques RDV et démarches à faire, pour les choses concrètes en fait, sinon elle n’existe pas cette grossesse.
On ne se dit pas qu’on est contents, on ne se dit pas qu’on flippe, on ne se projette pas, on est pas excités. Il semblerait que ce soit juste une information en cours de traitement par nos cerveaux. Ça me fait un peu de peine. Pour - quoi ?
Antho et Indie sont rentrés depuis un moment mais je suis dans les vapes. Et mon dieu ce que j’ai mal. Antho me suggère d’appeler le 15 pour parler à un médecin régulateur. Le gars m’explique que tout ce que je décris n’est pas anormal en cas de grippe et m’indique ce qui devrait vraiment m’alerter au cas où. Il me prévient que la fièvre va surement durer 5 jours et que je vais rester fatiguée trois semaines. Ça pousse jusqu’à la fin de l’année en gros ! Niquel.
Y’a plus qu’à attendre que ça passe.
13 décembre
J’émerge après une grosse nuit de merde où la fièvre n’a fait que tomber pour mieux remonter. Je me suis réveillée deux fois complétement trempée, roulant tant bien que mal de l’autre côté du lit pour trouver un périmètre sec où me rendormir, gelée.
À un moment j’ai fini par craquer sous l’intensité de la douleur que j’avais dans le visage et j’ai pris un Advil. C’est interdit, je le sais, mais je l’ai pris pour avoir un peu de répit.
Je n’ai plus de fièvre, j’espère pour de bon. Je trouve Indie et Antho dans le salon. Elle va mieux et pourra retourner à l’école le lendemain. Moi je tiens debout mais suis complétement déshydratée des litres de flotte que j’ai sué. Je passe la journée dans ma chambre à boire et comater.
Je ne suis vraiment pas bien, mais je n’ai plus de grosse fièvre et je n’ai plus l’impression qu’on me fracasse la tête à coup de piolet, ce qui est déjà un énorme soulagement.
Je me sens brassée, n’ai pas faim, mais met ça sur le compte de la grippe, cette énorme BITCH.
À moins que ce ne soit pas la grippe mais La chose qui commence ? Oh, non.

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La semaine prochaine : le mois deux.