Maude Harcheb
LE MOIS DEUX
TW : il est mention dans cet article de TCA et de dépression
16 décembre
Ce soir les vacances de Noël débutent et demain, on organise avec l’APE de l’école d’Indie un goûter de Noël pour les enfants et leurs familles. On s’est donnés rendez-vous le soir même sur les lieux du crime, le restaurant d’un papa d’élève qui nous met une salle à dispo. On espère avancer au max les préparatifs, déposer toutes les courses, la déco, les lots pour la tombola et finioler les derniers détails.
Je suis ridiculement vannée avec la grippe, mais également une grande professionnelle pour cacher quand ça ne va pas fort, comportement vestige de mes années de tournée de la France, où il fallait être opé quoiqu’il advienne.
Je fais bonne figure, participe du mieux que je peux, esquive la proposition de déjeuner sur place avec les copains le lendemain midi avant le goûter, et m’effondre à peine rentrée à la maison.
Demain soir Antho bosse, alors je vais devoir rester au goûter de Noël solo, encadrer 90 personnes, veiller avec les copains de l’APE à ce que tout se déroule bien, survivre à tous les cris de gosses et gérer Indie qui sera sûrement surexcitée jusqu’au coucher.
Là je ne veux qu’une chose, accélérer le temps pour que ce soit derrière.
17 décembre
« Bonjour bonjour, c’est la télévision française ! » Lorsque j’étais en tournage, il y a dix ans de ça, donc autrement dit dans une autre vie, on nous réveillait avec ces mots tous les matins, avec en prime un gros flash dans la tête. Aujourd’hui c’est un peu comme y’a dix ans, c’est showtime.
Je suis défoncée de fatigue, je n’ai presque pas mangé depuis trois jours, je me réveille chaque nuit deux ou trois fois pour cracher mes poumons, je mouche des choses inqualifiables, mais je dois me farcir cette journée. Objectif : mon lit à 21h.
Antho, Indie et moi on rejoint les copains sur les lieux du goûter de Noël et on prépare tout. Puis la salle se remplit petit à petit et la fête bat son plein. Antho part shooter l’élection de Miss France et moi je compte les heures qui me séparent de mon lit.
Highlight de l’après-midi, l’arrivée du Père Noël et sa hotte ! Les enfants se jettent littéralement sur lui, les parents dégainent leurs téléphones au lieu de canaliser leurs kids et j’essaye tant bien que mal de faire barrière pour que chacun vienne à son tour, calmement. Je me retrouve prise dans un sandwich désagréable entre le barbu le plus célèbre du monde et une horde de petits en feu face à leur idole. J’y laisse le peu de voix et d’énergie qu’il me restait.
Finalement l’aprem touche à sa fin, on range tout. Initialement, on avait parlé de fêter la clôture de cet événement entre membres de l’asso et j’angoissais à l’idée de devoir trouver une bonne excuse pour esquiver encore une fois ou de devoir gérer une propal de vin, fromage au lait cru ou charcuterie supplémentaire. Par chance tout le monde est rincé et les gosses sont hors de contrôle. Chacun rentre chez soi.
Je me mets en auto pilote pour doucher, faire manger et coucher Indie.
Enfin, je me fous au lit. Je me dis que le gars ou la meuf qui a inventé le lit c’était un vrai. C’était sûrement un gars qui avait eu la grippe juste avant ou une femme qui était enceinte.
Ou plus probablement une femme enceinte qui avait eu la grippe.

18 décembre
On reçoit des potes à déjeuner. On ne les a pas vu depuis très très très longtemps et on ne se voit pas annuler en last minute juste parce que je suis au bout du rouleau. En plus c’est la finale de la coupe du monde et Antho et moi profitons de leur présence pour justifier notre abandon du boycott de la compétition. Ils veulent voir le match, on ne va pas dire non !
Par miracle, ce sont nos deux potes les plus healthy de la terre, ils ne boivent pas d’alcool, ne fument pas et ne mangent pas de charcut. Merci de faciliter mon existence et de ne générer aucune question embarassante les copains.
Le truc que je redoutais beaucoup pour cette grossesse est arrivé. La chose est venue taper à ma porte il y a quelques jours.
Je ne l’ai jamais dit « publiquement » mais si je n’ai qu’un enfant à ce jour, cette grossesse est ma quatrième. Et au début, elles ont toutes été les mêmes.
Leur point commun, alors qu’elles ont chacune vraiment eu lieu dans des contextes très différents, c’est le mal être qui m’envahit à un certain point. Ça arrive relativement vite. Autour de 5 ou 6SA. La chose débarque, doucement, fébrilement, se faufile sous la porte, ni vu ni connu. Je ne la vois pas arriver cette chose, je la sens quand il est trop tard et qu’elle est déjà installée.
La chose, c’est comme une chape de béton qui s’abat sur moi.
J’espérais vraiment y échapper cette fois, j’avais grand espoir que le fameux dicton « toutes les grossesses sont différentes » prenne son sens. J’étais partagée entre cet optimisme et la crainte que ça arrive de nouveau. Parce que franchement, c’est vraiment dur à vivre, vraiment dur à exprimer et vraiment dur à comprendre pour le monde extérieur.
Alors, depuis qu’on a su que j’étais enceinte, on a attendu fébrilement avec Antho. On s’est dits que ça allait sûrement arriver de nouveau et qu’il fallait qu’on se prépare pour ce mauvais moment, celui où j’allais passer au second plan, tapie derrière un épais brouillard d’hiver. On savait qu’on allait se perdre pour quelques semaines, mois. Ça ne serait pas facile, ni pour lui ni pour moi, mais au moins on sait.
Concrétement, le premier symptôme c’est que je suis dans un inconfort physique vraiment soudain. Quasiment du jour au lendemain. J’alterne entre deux états qui se succèdent brutalement sans aucune transition : je suis soit affamée soit en mode indigestion. Mon corps me réclame à manger comme d’habitude mais ne sait plus du tout gérer.
Tout mon appareil digestif tourne au ralenti, me laissant la sensation très désagréable d’être archi remplie aprés le moindre minuscule repas, comme si je sortais constamment d’un gargantuesque banquet. C’est une sensation assez unique, parce que ce n’est malgré tout pas la même que lorsque j’ai trop mangé hors grossesse. C’est comme si mon estomac devenait un énorme ballon de baudruche trop gonflé, sur le point de céder. Je me sens lourde, fatiguée, grognon, somnolente. Tout le temps, sans interruption.
Il n’est vraiment pas râre de connaître des problèmes digestifs lors de la grossesse, mais j’ai beaucoup de mal à gérer la frustration qui en découle. Ma relation à la nourriture est ce qu’elle est, loin d’être parfaite. J’ai des tendances hyperphages, cela se traduit par des crises où je mange beaucoup, sans faim, au delà des limites de mon corps. Cela arrive et repart par période, évidemment très en lien avec mes émotions.
Au fil du temps, j’ai appris à gérer, à me faire confiance, je sais quoi faire pour calmer les périodes de crise. Je finis toujours par trouver la balance, par rétablir un équilibre.
Mais là, je ne peux pas manger comme d’habitude et cette pensée m’obsède. La frustration alimentaire est ma pire ennemie. J’ai envie de tout mais ne supporte plus rien.
Alors je ne mange que le strict nécessaire, même trop peu. Un petit repas le midi et un petit repas le soir. Je mange le plus sec possible, avec un minimum de gras, peu assaisonné. Pas d’entrée, pas de desserts, pas de snacks. Je m’arrête de manger alors que j’ai encore faim parce que je sais que d’ici quelques minutes, j’aurais de nouveau la sensation d’avoir englouti tout l’océan. Puis d’ici le prochain repas, je vais me traîner, je vais être dans l’inconfort ou la douleur, jusqu’à ce que je sois soudainement de nouveau affamée.
Je ne vomis pas, je n’ai quasiment pas de nausées, je vais peu aux toilettes. Hormis fabriquer un bébé, mon corps n’en branle pas une. Je lui en veux, je déteste cette situation.
J’en veux aux autres de pouvoir manger normalement aussi. Je suis jalouse quand je vois quelqu’un se régaler sans se soucier de la suite. Je suis jalouse quand je vois Antho et Indie grignoter une chips à l’apéro sans que ça les empêche de manger pour les 8 prochaines heures.
Alors parfois, je pousse. Je mange « trop », ou je mange un truc gras et je le paye sur les 24 à 36h qui suivent, le temps que mon corps s’en remette. Je me dis que ça na valait pas le coup du tout et je culpabilise. Puis quelques jours après je recommence, au cas où ça passerait mieux, mais non.
Souvent, je me dis que je suis qu’une grosse pleurnicheuse, qui chouine de ne pas pouvoir manger à sa faim alors que certains vivent cela au quotidien. Je me dis que je suis une ingrate, qui veut un enfant mais sans aucun des désagréments de la grossesse.
Je pense à celles qui rêvent de les vivre ces désagréments, parce que ça voudrait dire qu’elles sont enfin enceintes ! Je me souviens de mes échanges émus avec celles qui vomissent toute la journée pendant des mois ou celles qui ont perdu leurs bébés. Alors je culpabilise un peu plus. Et quand je culpabilise, je mange. Un jour faudra que je me pose sur le sujet, sur la place que tient la nourriture dans ma vie.
Pas aujourd’hui. Aujourd’hui je me sens mal. Je mets mon masque souriant sur mon visage pour les copains et compte de nouveau les heures qui me séparent du coucher.
On commande des pizzas pour le déjeuner et j’ai préparé une petite salade. Je mange deux ou trois part et un peu de salade en craignant les représailles et je noie le tout sous des litres d’eau. Apparemment, ça aide à digérer. Je vais aux toilettes faire pipi au moins 10 fois dans l’après-midi.
On perd la coupe du monde.
20 décembre
Deuxième symptôme de La chose, qui accompagne à merveille les soucis de digestion : je suis écœurée. Je suis écœurée de choses dont j’ignorais sincérement qu’on pouvait faire le rejet.
Les odeurs c’est dur évidemment, c’est plus un nez que j’ai, c’est une truffe de chien de la brigade cynophile, style malinois du GIGN.
Je sens tout. Les odeurs des gens, des textiles, des rues, de la bouffe, des kilomètres à la ronde. Ne me demandez pas de foutre un pied chez Sephora, je n’y survivrai pas et je maudis quiconque mangeant une clémentine près de moi.
Y’a les aversions alimentaires évidemment, basique. Ne me parlez pas de soupe en ce moment. Je ne sais pas pourquoi, mais rien que d’y penser j’ai des hauts le coeur.
Puis y’a les trucs vraiment chelou ! Tous les jours, au moment de m’habiller, je rentre avec dégoût dans mon dressing et je contemple mes vêtements avec gêne ! Je n’ai pas envie de les regarder, ni de les toucher, ni de les sentir et encore moins de les mettre. Je sais pas, c’est les tissus, les couleurs, les textures… J’attrape le premier truc qui me tombe sous la main et j’en finis au plus vite. Je suis vraiment jo-bar.
Encore un step au dessus sur l’échelle du bizarre, j’ai commencé à regarder une série il y a quelques temps et j’me suis arrêtée au beau milieu des épisodes parce que ça m’écœurait. Ouais, la série me dégoûte, l’ambiance, les acteurs, l’ensemble. Pourquoi celle là et pas une autre, je ne sais pas, mais mon cerveau a fait une association bizarre entre cette série innocente et le mal-être physique que je ressens.
Et pourtant on est pas sur du Dahmmer, on est sur une petite série sympatoche et le pire c’est que je veux connaître la suite lol ! Ça n’a absolument aucun sens, mais je sais que je ne peux plus la regarder pour le moment.
Aussi, il y a des pièces chez moi où je n’ai plus envie d’être. Je ne vais dans ma chambre que pour dormir et évite soigneusement celle de ma fille. Je ne sais absolument pas pourquoi. Être à proximité du linge de lit me dérange, certaines couleurs me révulsent et l’ambiance chambre à coucher me pèse. Pas trop fan de la salle de bains non plus, mais j’ai une dignité et je me lave quotidiennement quand même.
C’est un drôle de sentiment, c’est comme si tout était TROP, que mes sens étaient surstimulés et en overdose de la moindre chose. Franchement, j’ai juste l’impression d’être mal calibrée, les fils ne sont pas bien branchés, je ne me sens pas moi-même, je ne me comprends pas. Paraît-il que ce sont les hormones, ça ne me semble pas très crédible, mais je vois aucune autre explication rationnelle…
Puis la dernière chose, le dernier cadeau de La chose, que je ressens à chaque début de grossesse, c’est que je suis vraiment, vraiment trop dans ma tête. Et dans ma tête, ce n’est pas très joyeux. Les angoisses et mauvaises pensées tournent en boucle dans ma caboche, comme si mon cerveau devait explorer tous les pires scénarios possibles et imaginables avant de pouvoir se détendre et accepter la grossesse.
Je SAIS que ça va passer, je SAIS que la grossesse est un phénomène physique et psychique, et que je dois accepter ces drôles de pensées pour ce qu’elles sont. C’est le processus par lequel j’ai peut-être besoin de passer pour avancer, mais c’est dur. C’est sombre dans ma tête, c’est agité et vide à la fois, je n’ai pas vraiment de répit, de petits moments d’accalmie.
J’aimerais tant pouvoir me mettre sur OFF un moment. J’aimerais tant être apaisée et heureuse. Là, tout de suite, j’aimerais tant être une autre.
22 décembre
Noël approche à grands pas, le jour de l’an également. Ça y est, ça va être les premières annonces ! On l’annoncera à mes parents et à mon frère le 25, puis à mes meilleures potes dans la foulée et enfin aux copains avec qui on passe le jour de l’an pour finir. Par défaut, surtout parce qu’on a pas envie de se lancer dans des cachoteries ni des stratagèmes pour cacher ma grossesse. Je n’en ai pas l’énergie.
J’ai jamais vraiment kiffé les annonces de grossesse. Enfin pas les miennes en tous cas ! Y’a tout un cérémonial qui doit être plus ou moins mis en scène qui me met mal à l’aise.
Puis je ne me sens pas joyeuse, je ne suis pas dans un état d’esprit où il est évident de voir quelqu’un se réjouir pour nous, alors que je peine encore à le faire. Ça me renvoie en pleine face que je devrais être heureuse, tout le monde est heureux d’annoncer une grossesse voulue non ? Pourquoi ne puis-je pas être un peu emballée ?
On réfléchit avec Antho, on se demande comment on va « balancer » la nouvelle. On se dit aussi que ça va peut-être nous aider à investir un peu cette grossesse ! Le fait d’en parler à de tierces personnes ça projette l’information dans l’univers, ça génère des échanges, ça se concrétise en quelque sorte ! Ce n’est plus un secret que l’on peut cacher et dont on dispose comme bon nous semble, ça devient vrai.
Mais avant, on va la dire à notre fille.
On a beaucoup parlé avec Antho de ce qui serait le mieux pour elle. Ce n’est pas super évident comme décision, on avait un dilemme qui était le suivant : soit on lui dit maintenant mais c’est très tôt, soit on attend mais ce serait un peu la dernière roue du carrosse.
Puis finalement, je ne me vois pas annoncer à nos proches qu’on va avoir une deuxième enfant sans qu’elle soit au courant, notre fille, notre premier bébé, celle qui m’a appris à devenir maman, ma petite personne préférée au monde ! J’aurais l’impression de la trahir.
Puis soyons honnêtes, elle a 4 ans, elle comprend tout ! Elle nous demanderait vite de quoi on parle, pourquoi les gens réagissent de telle manière etc. Alors ce n’est pas idéal, c’est sûrement trop tôt, mais demain on lui dira, tout simplement.
23 décembre
10h, Indie a fini de regarder son dessin animé et on se lance.
On s’installe sur le canapé près d’elle, et je lui dis : « Babou, écoute, on doit te dire quelque chose. Dans quelques temps, pas tout de suite, tu vas peut-être avoir un petit frère ou une petite soeur. Pour l’instant, le bébé est tout minuscule ici dans mon ventre ! »
Elle est silencieuse, les yeux fixes, dans le vide, comme quand elle réfléchit fort à ce qu’on lui dit.
Puis elle esquisse un petit sourire.
24 décembre
Je suis brassée, ce n’est clairement pas cette année que je vais me régaler à table, ça me frustre beaucoup. Indie a eu le droit de choisir le menu du diner pour le réveillon, puis après une lutte acharnée entre un plat de poutine ou de tartiflette, la seconde option a gagné.
Je dis à Antho : « Tu réalises que si tout va bien, à Noël prochain on sera 4 ? On sera là avec un bébé de 4 mois en plus ?! » Ça me semble fou, je n’arrive pas du tout à me projetter, à imaginer à quoi ressemblera le quotidien avec un bébé en plus. Antho non plus. On se regarde, mi-contents, mi-interloqués, la bouche qui sourit, les yeux qui cherchent.
On passe le réveillon tous les trois, tranquille, on aime bien ! Ni lui ni moi n’avons de grande famille qui se réunit en tablées festives pour les fêtes. Sa famille est dispersée et la mienne compte trop d’absents, partis trop tôt. Mais on a l’essentiel, notre petite famille à nous, qui s’agrandira dans quelques mois.
Antho et Indie préparent une jolie table de Noël alors qu’on avait littéralement rien prévu pour la déco : un bout de papier cadeau en guise de chemin de table, quelques accessoires piqués au pied du sapin et une bougie blanche émiettée pour l’effet neige. Que je les aime !
On se prépare. Indie a eu le droit de choisir une robe pour les fêtes, et la séance d’essayage chez H&M était l’une des choses les plus mignonnes que j’ai vues de ma vie. La voir sortir de la cabine, se placer devant le miroir et virevolter sur ses pointes de pied devant les yeux amusés et attendris des autres clients, c’est le genre de moments qui me fait dire que ça va être chouette d’avoir un autre enfant.
Je suis encore loin d’être dedans, mais rationnellement, sous le brouillard, sous la chape de béton, je SAIS que le futur nous réserve de beaux moments.
On met de la musique, on sort l’apéro et la boule à facette pour danser comme elle le souhaitait. Mais elle ne veut pas danser et boude sur le canapé. Le genre de comportements incompréhensibles typique de ces derniers temps.
Je propose un jeu à la place de la boum et ça passe. On joue au UNO pendant une heure, on rigole bien, puis on passe à table.
Après trois blinis au saumon et une assiette de tartiflette, Indie est frac. On laisse un cookie et un bout de céleri pour le Père-Noël et ses rennes, et on la couche.

25 décembre
Et joyeux Noël !
La tartiflette de Noël, j’aime bien le concept, mon estomac beaucoup moins. Je suis dans le mal, à deux doigts de l’implosion, tout ça pour une pauvre petite assiette ridicule dont je n’aurais fait qu’une bouchée en temps normal. Grrrr… Et dire qu’il faut remettre ça ce midi chez mes parents ! J’aimerais ne pas avoir à fêter quoique ce soit là tout de suite, j’aimerais rester tranquille, cachée.
On ouvre nos cadeaux, on se prépare et on prend la route direction notre première annonce.
On a des galères de voiture sur la route et à notre arrivée il est déjà presque 13h, mes parents et mon frère nous attendent presque l’apéro à la main ! La salle à manger est remplie de ballons et décorations de Noël, mon père s’est un peu laché pour faire plaisir à Indie, je trouve ça mignon.
Je suis un peu tendue, ça va être rapidement le moment. Antho m’a dit qu’il se chargeait d’annoncer la nouvelle, qu’il ferait ça tout simplement et sans chichis.
Mon père sert à boire : « Maude tu veux un verre ? » J’aqcuiesce et prends ma coupe. Lorsque tout le monde est servi on lève nos verres. Parmi le brouhaha heureux des verres qui trinquent et des voix qui se souhaitent le meilleur, Antho élève la voix : « Et si tout va bien, il y aura un bébé en plus parmi nous l’année prochaine ! » Silence.
Tout le monde se regarde et cherche à savoir si il a bien compris ce qu’il croit avoir compris ! Ce moment précis me fait toujours marrer. Il clarifie : « On attend un bébé. » Puis il tempère « C’est le tout début, on ne l’a dit à personne pour l’instant ! »
Tout le monde est très heureux, ma mère me serre dans ses bras, mon frère rit en envoyant sa tête en arrière comme si c’était la meilleure blague du monde, mon père est ému. Antho est tremblant, sa voix aussi.
Indie regarde tout ça sourire aux lèvres, je ne sais pas si elle comprend vraiment. Je lui chuchote qu’on vient d’expliquer à papi, mamie et tonton pour le petit bébé.
Moi je suis un peu comme ma fille. Je souris mais je ne comprends pas vraiment, je ne ressens pas grand chose. L’idée est belle pour sûr, la finalité assurément chouette, mais là tout de suite si je suis absolument honnête, je me réjouis sans doute moins que les autres. Je voudrais, je voudrais tant.
Voilà, la première annonce est faite. L’avantage d’avoir une famille composée de gens très pudiques, c’est qu’ils ne posent pas beaucoup de questions, et ça me va, parce que je n’ai pas beaucoup de réponses.
On déjeune et je blague sur toutes les bonnes choses que je ne peux pas manger.
Je blague beaucoup tout court en ce qui concerne la grossesse de manière générale, parce qu’à ce stade, je n’ai pas d’autre canal pour parler de la manière dont je me sens que celui de l’humour.
C’est soit mes blagues sacarstiques, soit la noirceur juste en dessous. Et je crois que les gens préfèrent les blagues.

27 décembre
Le grand jour est enfin arrivé ! Celui de mon premier rendez-vous chez la sage-femme. Je suis impatiente de la rencontrer et de voir quelle genre de femme elle sera, et surtout, quel genre de praticienne.
Elle s’appelle Krystell. Notre rencontre se fait malheureusement masquée, alors j’ai du mal à la « lire », à lui donner un âge.
Elle est cordiale, mais sympathique. On échange sur mes antécédents, ma santé, celle de mes proches, ma première grossesse et mon accouchement. Je lui explique rapidement que je n’aime pas être enceinte et elle en prend note sans commenter.
Elle demande à voir mes premières analyses de sang, tout en semblant dépitée d’apprendre que j’ai pu « consulter » une sage-femme sur Qare. Elle parcourt chaque ligne avec soin, remarque qu’il y a un ou deux trucs qui n’ont pas été vérifié, la rubéole et je ne sais plus quoi…
Tout lui semble parfait sauf la glycémie. Je regarde, elle est dans les taux réglementaires mais dans la fourchette un peu haute. Elle me dit, bon à surveiller mais de toutes façons on verra ça pendant le test du glucose.
AAAAH ! J’y vois le moment opportun pour lui parler de ma phobie irrépressible des prises de sang. Je lui explique que subir trois prises de sang en 2h, c’est absolument impensable pour moi. Elle m’explique alors que je réunis quelques « mauvais points » : j’ai 35 ans, mon père est diabétique et mon taux de sucre n’est pas parfait.
Je lui dis que lors de ma première grossesse je ne l’avais pas fait ce test dégueu du glucose, mais qu’on contrôlait ma glycémie à jeun tous les mois. Elle sent que le sujet me tend et abrège en me disant qu’on a encore un peu de temps pour voir ça, qu’on en reparlera en temps voulu.
Elle me fait monter sur la balance et me demande combien je pesais avant la grossesse. J’en sais rien, je me pèse jamais… Probablement autour de 51,5 ou 52. La balance affiche 50.5, j’ai du perdre un bon kilo.
Puis elle sort sa petite roulette qui estime la date de procréation et celle de l’accouchement en fonction de la date des dernières règles, en ajoutant que l’échographie de datation aiderait à déterminer plus précisément ces données.
J’ai un cycle court alors j’ovule plus tôt que les femmes qui ont un cycle standard, puis je note tout dans mon appli, donc je sais quels sont les jours potentiels où j’ai pu tomber enceinte. Mais comme la roulette fait un calcul sur la base d’un cycle classique de 28 jours, elle me sort une date présumée d’engrossage qui n’est pas le bon. Bref, je devrais être à terme vers la mi-août selon elle, plutôt la semaine d’avant selon moi.
Accoucher en plein été. Je m’imagine déjà vivre mon dernier trimestre sous les épisodes successifs de canicule, avec les jambes gonflées et mon énorme bide, échouée sur le carrelage de la salle de bain à chercher désespérément une once de fraîcheur.
J’me vois déjà débarquer au mois d’Août à la maternité pour accoucher, la moitié du personnel - déjà pas assez nombreux - en vacances, l’anesthésiste à Lacanau plage et les gynéco sur la Côte d’Azur. Quelle perspective réjouissante. Avec un peu de chance je pourrai accoucher un chouïa avant, fin Juillet genre ! Le bébé sera sûrement lion d’ailleurs. Une scorpion et un.e lion. Wow purée, ça va donner.
« Vous avez des questions ? » me demande t-elle. Je ris intérieurement. Je n’ai que ça Krystell, des questions et des scénarios abracadabrantesques. « Non c’est bon. Ah si, vous pouvez me faire une ordonnance pour une échographie de datation svp ? J’ai pris rendez-vous sur Paris demain. »
Elle me fait l’ordonnance et m’explique que pour la T1 qui devra avoir lieu fin Janvier, je pourrai appeler l’une des deux sages-femmes échographistes du coin ou l’hôpital directement.
28 décembre
J’ai rendez-vous chez un gynécologue parisien à midi pour faire une écho de datation. Une deuxième donc, puisque la première n’avait montré qu’un début de grossesse, mais pas encore d’embryon. J’avais pris ce rendez-vous le lendemain de cette fameuse écho peu concluante, rien de dispo sur Chartres, mais sur Paris, il y a toujours des créneaux rapidement.
Antho et Indie m’accompagnent, on y va en voiture et on en profitera pour faire une petite balade parisienne, voir les déco de Noël, se faire un resto et passer chez Babka Zana acheter une babka choco-noisette que je vais mettre trois jours à digérer.
Antho est déçu de ne pas pouvoir m’accompagner, il devra s’occuper d’Indie pendant le temps du rendez-vous. On est pas très en avance, Indie a « très envie de faire pipi » et on est dans des bouchons monstre.
Je le laisse un peu en galère, saute de la voiture et parcours les dernières centaines de mètres qui me séparent du Dr Benchimol à pied. Je ne sais pas à quoi m’attendre, je trouve que les gynéco sont rarement sympatoches.
En arrivant, j’ai l’agréable surprise de découvrir un beau cabinet, tout neuf, tout propre, clair et apaisant. Une femme passe avant moi puis c’est à mon tour.
Comme la première fois, j’ai bu sur le trajet pour que ma vessie soit pleine et j’invoque le dieu tout puissant de la vessie.
Le docteur m’accueille. Il est jeune, je le trouve hyper sympa, avenant, décontracté. Je m’installe directement sur le fauteuil sans devoir me déshabiller, CI-MER, et il envoie le gel bleu glacé sur mon bas ventre. Me fais pas le coup de l’utérus rétroversé qui t’empêche de bien voir donc il faut passer par voie vaginale steuplééééé ! Nope ! Il trouve direct ce qu’il cherche.
Et il est bien là !
Le petit embryon est bien là, en place. Il met le son quelques secondes à peine et j’entends furtivement son battement de coeur. Il le mesure deux ou trois fois : « Tout est parfait ! » conclue t-il. Je m’essuie, me lève, remets mon manteau et file. Le rendez-vous a duré moins de dix minutes. Je cours aux toilettes vider ma vessie, au bord de l’implosion.
Photo de l’embryon sous le bras, je pars rejoindre Indie et Antho qui sont non loin de là, devant le mur des je t’aime à Montmartre. Antho est hyper impatient alors je lui montre le dossier avec les photos que je n’ai même pas pris le temps de regarder, là dans la rue, entourés de pleins de touristes venus faire une photo devant le fameux mur.
Il me regarde et me demande si je suis rassurée, j’aqcuiesce. J’imagine qu’il trouve ma réponse trop molle alors il insiste : « Mais ça va ? T’es contente ? - Oui, oui ! » Je souris. Je ne sais pas tellement ce que je ressens. Je suis rassurée oui, il y a bien un bébé en devenir, un petit coeur qui bat. C’est donc bien réél et les scénarios possibles qui font que je peux justifier mon manque d’enthousiasme diminuent.
On mange au resto tous les trois, je finis le plat de pâtes aux truffes d’Indie - la gosse a de sacrés goûts - et je sais que je vais le regretter fort. Mais à côté de la vie au creux de mon ventre, y’a un vide à combler. Combler un vide existentiel avec des pâtes à la truffe, je trouve l’image parlante, absurde, presque honteuse.
Sur le trajet du retour, Indie s’endort dans la voiture et on discute avec Antho. Il m’explique que de son côté, il commence à ressentir de l’excitation, qu’il est content mais qu’il se réfrène pour ne pas me culpabiliser ou me faire me sentir mal. Que ce n’est pas facile pour lui de me voir mal.
Je suis un peu peinée qu’il se sente obligé de faire cela. Je n’ai aucun problème à ce qu’il soit heureux, au contraire, peut-être que ça peut m’aider un peu.
Je lui demande de ne pas hésiter à s’exprimer à ce sujet, mais il est vrai qu’on a peu l’habitude de ne pas être sur la même longueur d’ondes tous les deux. J’aimerais pouvoir lui offrir des échanges joyeux autour de cette grossesse, parler avec entrain du futur proche, nous projeter sur des petits détails, faire des plans sur la comète… Il le mérite.
Mais mon cerveau à moi, là tout de suite, il tourne en boucle sur des angoisses, des scénarios catastrophes et des projections dans un futur apocalyptique. Je ne peux pas lui partager mes pensées de manière détaillée au quotidien, c’est trop lourd. Je lui explique que je suis calibrée comme ça et que je n’y peux rien, ça va passer.
Il sait, il comprend, il ne me reproche jamais rien. Je l’aime profondément et encore plus pour ça.
Je suis là, Maude est là, pas très loin, sous le brouillard épais.
Attends-moi stp mon amour, je reviens dès que possible.

29 décembre :
On reçoit ma meilleure amie J, son mari et leur fille à diner. Au menu, ce qui devait être fait trois semaines plus tôt pour son anniv : raclette et annonce de grossesse. Décidément, ils aiment beaucoup la raclette et moi, je ne sais toujours pas dire non.
Ils arrivent vers 18h30, on s’installe, on papote de tout et de rien, des Noël dans nos familles respectives et des cadeaux reçus. Ils sont curieux d’avoir la référence d’un jeu qu’on a offert à Indie et on la leur envoie dans le groupe WhatsApp qu’on a tous les quatre. Antho me fait signe discrétement pour me demander si il en profite pour envoyer une photo de l’écho de la veille. Je lui fais signe que oui. Ça part.
« Oui, je le savais ! » J. lève les yeux du téléphone, me regarde avec des yeux equarquillés, et je ne suis pas sûre de comprendre ce qui se joue là. Sa phrase a claqué dans la pièce, d’une intonation forte mais sans joie. Je la regarde mais ne vois pas de sourire, ni l’expression d’un sentiment en particulier sur son visage. Son mec n’a pas encore capté et se demande interloqué de quoi on parle.
« Ah ! Tu sais quoi ? » je lui réponds dans un petit rire. « Bah je le sais, t’es pas revenue vers moi depuis quelques jours, puis ta réponse à ma question l’autre fois je le sentais. »
Je ne comprends toujours pas à quoi on joue, Antho ne dit rien, je trouve le moment assez étrange. « Non, je suis enceinte de huit semaines ! » Elle tique un peu. « Huit semaines ? Ah ! »
Son mec comprend alors et interrompt le malaise : « Aaaah et ben commençons par l’essentiel : félicitations ! » Elle le rejoint « Oui félicitations ! »
Je suis piquée. Je ne sais pas si c’est les hormones ou la perspective de ne pas manger de coppa, mais je suis agacée. La manière dont le « je le savais » venait de banaliser l’annonce et avait résonné un peu froidement me chiffonne. C’est un peu comme si tu racontais une blague et qu’on t’interrompait pour raconter la chute avec un ton de déjà vu : ouais on la connaît déjà !
Je trouve toujours ça très maladroit quand tu annonces une bonne nouvelle à quelqu’un et qu’il te répond immédiatement qu’il savait ! Comme si le truc le plus important dans tout ça n’est pas la nouvelle en soi, mais le fait qu’il était déjà au courant, qu’on ne puisse rien lui cacher, qu’il soit ultra perspicace et omniscient. Dans l’absolu, même si tu sais, laisse-nous ce moment, ça ne coûte rien !
J’avais déjà été super étonnée lors de ma première grossesse de la varieté de réactions auxquelles on fait face lorsque l’on annonce être enceinte, c’est vraiment curieux, humain j’imagine. Dans la vraie vie, toutes les annonces ne sont pas merveilleuses.
J’essaye de passer outre mon agacement, parce que je sais qu’au delà de ce moment un peu bizarre, J. est sincèrement heureuse pour nous et aimera ce bébé très fort. C'est une amie en or depuis 25 ans, on s’est vues grandir et vivre tellement de choses, puis je suis moi-même loin d’avoir toujours les bons mots au bon moment.
On leur raconte le début de la grossesse, quelques détails, j’explique que je ne me sens pas très bien, comme pour Indie… On passe à table, et c’est assez nul la raclette quand t’es enceinte ! Je trouve J. absente, préoccupée, j’espère que l’annonce de ma grossesse ne l’a pas mise mal.
Après leur départ je grignote un mini bout de babka, puis je vais me coucher.
Rapidement, je me sens mal. J’ai des crampes ultra violentes à l’estomac. Je cours aux toilettes et me vide littéralement plusieurs fois cette nuit là. Mon corps a dit stop.
30 décembre
On part cet aprem dans le Perche retrouver des copains ! On sera une quinzaine avec nos enfants pour fêter le jour de l’an ça va être chouette ! Un peu par la force des choses on annoncera également à tout le groupe que je suis enceinte.
Ai-je envie de poursuivre cette tournée de révélation de grossesse ? Non. Mais c’est quand même plus simple que de dire non à chaque verre tendu, et de devoir expliquer pourquoi je ne mange pas la moitié des trucs. Tout le monde n’arrive pas en même temps donc on fera ça par salves.
Le vrai défi sera réellement de rester éveillée jusqu’à tard le 31, je suis tellement RAIDE DE FATIGUE. Par contre mes sessions nocturnes de la veille aux chiottes ont été bénéfiques. Je me sens libérée, “débouchée” pour donner une image dégueu mais très parlante. Je ressens même de la faim, chose qui n’était pas arrivée depuis plusieurs jours, où j’étais bloquée en mode indigestion.
Avant de partir, je veux mettre au courant mon autre meilleure amie, A., qui est chez ses parents. Je prétexte qu’Indie veut lui montrer ce qu’elle a eu à Noël pour caler un petit appel visio dans la matinée.
On s’appelle vers 10h et Indie lui montre tous ses cadeaux. Ensuite, on avait préparé des petites feuille de papier à dévoiler les unes après les autres, façon « love actually », avec écrit : Mon dernier cadeau, je serai grande soeur en 2023 !
A. est toute émue, elle est super contente pour nous !
Par ailleurs, il se trouve qu’elle est avec sa tante qui détient un « secret de famille », qui se transmet de génération en génération à une seule personne : une technique pour deviner le sexe des bébés des femmes qui sont enceintes. Attention, pas une vieille technique de marabout douteux, un truc infaillible qui marche presqu’à chaque fois ! Elle me l'avait fait pour Indie et avait tapé juste.
Pour déterminer le sexe, elle a besoin d’une photo d’un oeil de la femme enceinte. Le reste de la méthode est tenu secret. On s’empresse de lui envoyer la photo de mon iris et la prédiction est sans appel : « Vous allez pouvoir réutiliser les affaires d’Indie ! »
Et là je me surprends à me projeter ! Une autre fille ?! Ce serait vraiment tellement génial !! C’est un peu ma préférence si je dois être très honnête. J’aimerais beaucoup avoir une autre fille ! Antho pense comme moi, mais évidemment on se dit que ça reste dans un coin de notre tête et qu’on attendra l’écho et la science avant de nous emballer définitivement.

En parlant d’écho, j’ai appelé l’hôpital la veille pour voir si ils pouvaient me trouver une place pour la T1 qui devra avoir lieu fin janvier. Ils me rappellent et me trouvent un RDV en consultation privée. Avec le docteur Seridi ! Je réfléchis pour voir si ce nom m’inspire confiance ou pas.
J’ai jamais rencontré de gynéco très sympa, mis à part docteur Benchimol la dernière fois, je les trouve un peu froids. Quoiqu’il en soit c’est très bien, pas besoin de me taper un aller-retour à Paris ou je ne sais où une fois de plus.
En fin de journée nous retrouvons un premier couple d’amis, ceux qui nous accueillent dans leur maison pour le week-end et Indie prend de façon inattendue les choses en main très rapidement !
Elle débarque dans le salon avec une poussette et un poupon, deux choses avec lesquelles elle ne joue absolument JA-MAIS d’ordinaire, et annonce qu’elle va avoir un petit frère ou une petite soeur. On rigole et on se contente de confirmer la nouvelle !
Indie, tu es officiellement embauchée pour les annonces.
31 décembre
Les copains arrivent chacun à leur rythme et on leur annonce successivement qu’on sera un de plus l’année d’aprés ! Ça donne beaucoup de joie, de sourires, d’accolades et d’embrassades ! Je donne le change, enfin je crois. Qu’importe, je ne me mets pas la pression pour avoir l’air super heureuse ou épanouie de toutes façons. Tout le monde sait que je n’aime pas être enceinte maintenant, c’est l’avantage.
On passe un bon réveillon, l’ambiance est top et bizarrement j’ai faim et tout semble bien passer ! Serait-ce le miracle de la nouvelle année ? À minuit on fait péter un feu d’artifice dans un champ juste en face, il est ridiculement court, peu impressionnant et pas très joli, ça me fait mourrir de rire ! Ça fait du bien de mourrir de rire, ça faisait longtemps. C’est une chouette façon de commencer l’année.
Lors des traditionnelles embrassades de minuit, l’un de nos copains pleure d’émotion, de joie en passant de bras en bras. Sa femme et lui viennent d’avoir un bébé, qui a été très longuement attendu. Je leur souhaite plein de merveilleuses premières fois pour 2023.
Je me dis que nous aussi, on va vivre beaucoup de nouvelles premières fois dans les mois à venir. J’ai très peur, parce que je suis empêtrée dans pas mal d’angoisses, mais mon coeur sait qu’il y a beaucoup de joie à venir pour nous aussi. C’est une éclaircie dans mon brouillard mental.
On danse jusqu’à 3h du mat, Indie aussi.
Bonne année !

1er janvier
Réveil compliqué vers 9h30. Indie pleure / chouine non stop ce qui ne lui ressemble pas du tout. Le manque de sommeil des deux dernières nuits se fait bien ressentir.
Toute la matinée, elle pleure pour un oui pour un non et se contrarie d’un rien. Je ne suis pas très patiente et me fâche un peu trop fort. Je crie, elle pleure encore plus fort. Je culpabilise. J’essuie mes propres pots cassés en essayant péniblement de la calmer, mais on est sur un chagrin de grande magnitude !
Tous les copains, dont certains ont passé la nuit dans un gite à proximité, arrivent avec leurs têtes enfarinées. On discute, on mange les restes, les enfants jouent, crient, se chamaillent.
On rentre chez nous en milieu d’aprem, prêts pour cette nouvelle année.
2 janvier
Les vacances touchent déjà à leur fin et la pilule passe difficilement pour Indie. On lui demande ce qu’elle veut faire pour son dernier jour de vacances, elle peut choisir ce qu’elle veut ! Programme assez prévisible : aller à la piscine et manger au Mc Do ! Ainsi soit-il.
Je cherche un maillot 1 pièce et retrouve celui que j’avais acheté lorsque j’étais enceinte d’Indie. Un modèle tout simple, trouvé chez Monoprix, noir, matière extensible, parfait pour mon ventre naissant de l’époque. C’était d’ailleurs avec ce maillot sur le dos que j’avais « annoncé » ma grossesse sur les réseaux il y a cinq ans.
Pour l’instant, ça ne se voit pas vraiment, j’ai à peine un petit ventre qui pointe et mes cuisses se sont un peu creusées en raison de mon alimentation minimale des dernières semaines. « T’as maigri ! » me lâche Antho. Je hausse les épaules. J’en ai rien à faire, je veux manger à nouveau moi.
À la piscine, je m’éclipse un moment pour aller faire des longueurs dans le grand bain. Je me faufile entre deux lignes et nage. Pas longtemps, je suis essouflée comme jamais au bout de deux longueurs. Je me demande pendant quelques secondes si il serait bénéfique de venir nager régulièrement, c’est une activité hyper grossesse friendly.
Nnnaaaah ! Ne nous voilons pas la face, je suis pas du tout assez sérieuse pour ça ! Préparer des affaires, prendre la caisse, me foutre en maillot, nager quatre minutes avant d’être épuisée, retourner au vestiaire, me doucher, me rhabiller… Même pas en rêve j’aurais la motiv. Je balance cette idée saugrenue aux oubliettes.
Avec Antho, on observe les parents qui sont là avec deux jeunes enfants. La piscine avec plusieurs gosses ça a vraiment l’air d’être une sacré mission ! Depuis qu’on sait qu’on va être parents à nouveau, on fait souvent ça, on regarde les parents de plusieurs enfants dans la vie quotidienne : au restaurant, au supermarché, à la sortie de l’école…
C’est une manière de nous projeter, on se dit “regarde, on sera comme ça dans quelques mois !” Ça nous fait marrer et flipper à la fois.
Y’a du monde chez Mc Do, tout le monde veut son incontournable fast-food post jour de l’an ! Je prends mon festin habituel : double cheese, moyenne frite, eau, donut au sucre.
Depuis ma méga vidange des intestins après la raclette d’il y a quelques jours, j’ai pu remanger quasi normalement ! J’ai eu faim, j’ai pas trop mal digeré, ça me met vraiiiment du baume au coeur. On mange tous les trois, on discute, on rigole, on se projette déjà sur les prochaines vacances.
Fin de journée. Update : la digestion ça ne va pas DU TOUT mieux ! Le Mc Do me reste sur l’estomac, je me sens super mal. J’en suis pas encore sortie, c’était juste une trève.
FUUUUUCK !

3 janvier
Je cale tous mes rendez-vous sage-femme jusqu’au mois d’Avril sur son calendrier en ligne. Un chaque fin de mois, ça c’est fait, pas de risque d’oublier.
J’ai déjà pas mal de phases d’étourderies, le fameux « mommy brain ». C’est pas une légende ein, je me trouve tellement bête enceinte ! J’oublie tout, je cherche mes mots, je mets trois plombes à analyser des choses simples…
L’autre fois j’ai passé au moins une minute non stop à rechercher dans les disques durs de mon pauvre cerveau atrophié un mot bien particulier. Ne me demandez pas lequel, j’ai déjà oublié.
Mommy brain.
8 janvier
On reçoit le père d’Antho, une de ses sœurs et son mec à déjeuner. C’est reparti pour les annonces. La flemme. Je suis pas tellement motivée mais je suis TELLEMENT fatiguée, c’est un délire. Pourquoi ne pas tout simplement attendre l’accouchement, ils finiront bien tous par le découvrir en temps voulu non ?!
Ils arrivent à midi, on discute, je me demande si Indie va lâcher l’info au milieu d’une discussion comme elle seule en a le secret, mais non.
Mon beau-père lui offre une pochette surprise qui contient, entre autres babioles inutiles, deux mini biberons pour poupées. Antho s’engouffre : « ça peut servir ça Indie ? ». Tout le monde la regarde en souriant. « Oui pour mon petit frère ou ma petite soeur ! » Bah voilààà !
Personne ne capte que c’est pas un délire d’enfant mais que c’est bien vrai. « C’est une annonce ! » ajoute Antho. Tout le monde est super content version 12, je donne le change version 12.
On commande des pizzas, Antho renverse la moitié de la sienne par terre, la mienne pique trop et de toutes façons je suis probablement toujours en train de digèrer le Mc Do d’il y a cinq jours. On mange une galette, le mec de ma belle-sœur a la fève. On sort se promener un peu mais il fait très froid alors on écourte. Tant mieux.
Y’a beaucoup de journées que j’aimerais écourter en ce moment, parce que j’ai pas l’énergie, j’ai - PAS - ENVIE.

9 janvier
Très fréquemment, je fais les mêmes recherches google inutiles : pic hormones premier trimestre, - je regarde 140 schéma différents- problèmes digestion grossesse, symptômes premier trimestre s’arrêtent quand ? …
C’est bien évidemment toujours les mêmes réponses, dont aucune n’est satisfaisante puisqu’aucune ne peut me faire me sentir mieux là, maintenant tout de suite.
Je suis environ à 10SA et déprimée. J’attaque la dernière semaine du deuxième mois, le pire selon moi et j’en ai encore probablement pour deux ou trois semaines à en chier. Plusieurs fois aussi que j’essaye de me souvenir quand tout ça s’était arrêté lors de la grossesse d’Indie.
Je me refais régulièrement les photos de 2018, en essayant de me souvenir de comment je me sentais à telle ou telle période, et je me maudis de n’avoir pas noté cela précisément. D’où ce journal de bord cette fois ci. Ah non je ne vais rien oublier, je vais tout écrire.
Finalement, je cherche désespérément tout ce qui pourrait me signifier que c’est bientôt la lumière au bout du tunnel de La chose. Que je vais pouvoir souffler, me sentir mieux, remanger normalement, être heureuse ou au moins pas trop malheureuse. Au moins cette fois-ci je sais ! Pour Indie, je me demandais si j’allais rester dépressive pour toujours, c’était terrifiant.
Je pense souvent aux gens qui souffrent de maladies mentales, qui se sentent ainsi ou même pire pendant des mois, des années. J’ai mal pour eux, sincèrement. La santé mentale est vraiment un sujet affreusement négligé. J’imagine un gigantesque câlin collectif, j’envoie des pensées d’amour à tous ceux qui en ont besoin.
« Tu te souviens si j’allais déjà mieux à la T1 pour Indie ? - ouais, il me semble ! »

La semaine prochaine : le mois 3.