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  • Photo du rédacteurMaude Harcheb

LE MOIS 3

10 janvier



Un des premiers trucs dont on a parlé avec Antho concernant l’arrivée d’un deuxième enfant, c’est la nécessité de déménager ou pas.

Moi je me vois bien rester ici un moment, mais c’est vrai qu’il nous manque une chambre, qu’on manque de stockage et que ça demanderait pas mal de réorganisation de l’espace.


Sauf que notre appart on l’adore. C’est le premier appart où on se sent bien depuis que j’étais enceinte d’Indie et qu’on avait laché notre bel appart parisien pour nous installer à l’extérieur de Paris. On avait atterri malgré nous dans un trou à rats, littéralement, on a eu des souris pendant des mois. Un appartement en rez de jardin qui s’était rapidement révelé être insalubre, « un gruyère » comme l’avait décrit le dératiseur, dans lequel nous étions quand même restés presque deux ans à nous geler les miches l’hiver.

Alors que j’avais menacé le proprio de poursuites si il ne le mettait pas en conformité, il nous avait répondu avec un recommandé nous signifiant de quitter les lieux dans les trois mois. Soi disant, il se séparait de sa femme et le récupérait pour lui !


C’est ainsi qu’on s’était retrouvés sept mois à vivre chez mes parents. Certes, ils ont de la place, mais on cohabitait à 7 chez eux, en pleine campagne du 72, loin de tout, avec des allers-retour longs et très fatiguants pour bosser à Paris.

Alors quand on avait visité ce grand appartement de presque 90m2 au bord de l’eau dans une petite ville d’Eure et Loire, dans un quartier bucolique et charmant à 1h de train de Paris, on l’a aimé tout de suite. Enfin, on se sentait chez nous de nouveau. La vue de notre salon est magnifique, c’est calme et c’est à trois minutes à pieds de l’école d’Indie.





Bref, pas envie de le laisser cet appart, mais on se laisse l’opportunité de visiter des trucs dans les mois à venir. On a déjà visité deux ou trois maisons, pas de coup de coeur, et aujourd’hui on va voir un appart.

Sur place, pas de bonne surprise, l’appart est quelconque, l’immeuble affreux et la vue du salon donne sur un autre immeuble à peine quelques mètres plus loin. Non merci.


On se dit qu’on arrivera jamais à trouver mieux que le notre. Ce qu’on veut c’est le notre avec une chambre de plus, mais visiblement, ça n’existe pas.


Que va t-on devenir ? - soupir -


On rentre. Ma mère m’appelle, ma grand-mère, sa maman, est décédée.

Cela faisait de nombreuses années que je ne l’avais pas vue, au moins 12 ou 13 ! Elle souffrait de la maladie d’Alzheimer et avait progressivement tout oublié de sa vie, de ses enfants et petits enfants. Je n’avais jamais pris le temps / trouvé le courage d’aller la voir, je n’en avais pas tellement envie au fond.


Comme c’est étrange le cycle de la vie. Mémée part, on reste, un bébé arrive. Puis un jour ce sera notre tour et ainsi de suite.

Je me remèmorre plein de souvenirs, son fort accent Sarthois, sa cuisine au beurre, ses chiens et ses poules, sa vieille « dodoche », une deux chevaux d’époque qui n’avançait pas bien vite, les fous rire avec les cousins et les crises d’asthme dans son grenier poussérieux où l’on dormait, sa gourmandise, sa force et son indépendance, son dernier mari, rencontré sur le tard avec lequel elle avait bien profité après une vie pas très facile, la dernière fois où je l’avais vue, dans le sud chez mes parents.


« Aurais-tu vu mon petit carnet ? » m’avait-elle lancé alors que je ne l’avais pas vue depuis des années et m’attendais à des retrouvailles un peu chouettes ! Je me souviens avoir dit à ma mère « elle est pas un peu étrange mémée ? ».


Finalement, c’est ce jour là qu’on s’était dit aurevoir. Maintenant il y a un ange de plus dans le ciel, un gardien de plus pour nous guider.




11 janvier



Indie a rendez-vous chez une psy à 17H. On avait pris rendez-vous en décembre quand son comportement était vraiment compliqué et que plusieurs éléments nous avaient mis la puce à l’oreille. Bon, entre temps, c’est rentré dans l’ordre, mais on s’est dit que ça ne ferait pas de mal qu’elle la voie quand même.


Elle nous reçoit tous les trois, on lui explique les raisons de notre venue. Elle nous questionne sur quelques points précis, l’organisation du quotidien, notre place auprès de notre fille et nos « rôles » respectifs. Indie est mutique, je me dis que c’est pas gagné. Puis on sort et on laisse notre fille avec elle.

Dans la salle d’attente on entend qu’Indie blablate à fond, c’est bon elle est passée en mode bavarde. Au bout d’un moment elle apparaît avec la psy, elle a envie de faire pipi. Je l’accompagne puis elle retourne à sa séance.


Une fois Indie repartie pour finir sa séance, Antho me dit « elle m’a demandé si tu étais enceinte ! », et je réalise que ni lui ni moi n’avons pensé à le lui dire. Tellement basique pourtant, on en avait même parlé entre nous, on s’était dit qu’il était possible qu’elle soit perturbée parce qu’elle sentait quelque chose, d’autant plus que j’ai pas des débuts de grossesse très joyeux ! Deux idiots.

La séance se termine et on debrief avec la psy pendant qu’Indie attaque son troisième crocodile Haribo. Elle nous dit qu’Indie a parfaitement integré le fait qu’elle allait avoir un petit frère ou une petite soeur. Je m’excuse en rigolant de ne pas avoir pensé à le lui dire et lui explique que j’ai un peu de mal à investir cette grossesse.


Puis je m’attarde sur cette pensée un moment. J’ai tellement de mal à l’investir que je n’ai même pas pensé à en parler. Ça m’amuse parce que ce n’est pas bien grave, mais c’est drôlement parlant aussi. Je suis vraiment pas dedans. Ça commence à faire long ! Mais c’est le processus, je ne contrôle rien, je subis mon propre rythme.

J’ai un pincement au coeur. De ne pas encore aimer cette grossesse, ce bébé, notre deuxième enfant. Mais tout ce qui m’importe, c’est de me sentir mieux, moi, déjà.


Indie va bien selon la psy, aucune inquiètude à avoir. Elle nous précise qu’elle lui semble être en avance par rapport au développement « classique » des enfants de son âge, et que peut-être dans quelques mois il serait intéressant de la faire tester pour évaluer cela plus précisément et d’en parler à sa maîtresse, peut-être pour la mettre dans une classe à niveau double.

Je ne sais pas trop quoi faire de cette information. On sait que notre fille a parlé très bien assez tôt, elle savait « lire » les lettres de l’alphabet à 18 mois et a toujours manifesté un grand intérêt pour les mots en général. On nous faisait toujours remarquer la richesse de son vocabulaire à la crèche.


Moi-même j’étais précoce sur le sujet. On suspecte que je savais lire parfaitement entre 4 et 5 ans, information découverte par ma mère un soir en venant me chercher à l’école maternelle. La maîtresse l’avait « grondée » en lui disant qu’il ne fallait pas me forcer à apprendre à lire, sauf qu’elle ne le savait même pas ! Arrivée au CP, on m’a fait faire le tour de l’école de classe en classe en me demandant à chaque fois : « lis. »

J’ai donc atterri au CE1 directement, puis j’ai passé le bac à 16 ans et obtenu ma licence à 19.


Antho et moi nous fichons pas mal que notre fille soit « en avance » ou pas, on en tire pas de fierté particulière, on trouve ça amusant, mais on veut simplement qu’elle soit heureuse et bien intégrée à l’école. Alors pour les tests d’intelligence etc on en reparlera plus tard.


Indie attrape un dernier bonbon et on part, rassurés.








12 janvier



On fait un aller-retour à Paris pour le taff avec Antho. Il a un RDV, je l’attends dans le café d’un ami avec mon iPad. Je travaille sur mon livre de témoignages sur l’accouchement, j’échange avec l’illustratrice qui va les dessiner. Ce projet, sur le point d’être signé fin Décembre a finalement connu un mauvais revers. La maison d’édition s’est rétractée au dernier moment. Un petit coup dur.

Donc maintenant je dois trouver les ressouces, financières et mentales pour continuer d’avancer.


Je bois un chocolat chaud et une orange pressée et je regarde les gens aller et venir dans la rue. J’aime tellement contempler. Je pourrais ne faire que ça pour le reste de mes jours.

Contempler la vie. J’invente des histoires et des anecdotes à certains passants, j’essaye de deviner leur destination. Va t-il travailler ? À qui téléphone t-elle ? Pourquoi il rigole ? Qui sont-ils l’un pour l’autre ? Quelle est l’aventure la plus folle que ce monsieur ait vécu ?


À cet instant, je sors enfin un peu de ma tête. Je n’entends plus les pensées tourbillonnantes, il n’y a plus de questions qui ricochent aux quatre coins de mon crâne, il n’y a pas de scénario angoissant. C’est léger, c’est frais. Ça fait du bien.







14 janvier



Ce week-end on fête « Noël » avec mes deux meilleures amies. Ouais, je sais on est le 15 janvier, mais on se fait une petite réunion tous les ans avec un tirage de secret Santa et un repas sympa.

Cette année c’est chez nous. On se voit ce soir et demain midi, j’ai hâte mais je suis tellement épuisée, c’est ridicule.

En plus, j’ai pris à ma charge la préparation des deux repas, pour ne pas me faciliter les choses ! J’adore cuisiner, ça fait partie des rares activités qui me vident la tête tout en me donnant la perspective agréable de manger quelque chose de bon.


Antho bosse, alors je prépare tout solo, j’emmène Indie au poney, y retrouve A. et on rentre à la maison pour la soirée. Je ne digère pas le repas de midi, ça me plombe, la vérité est que j’ai déjà envie d’aller au lit. Ça va être long !


J. et sa famille arrivent, la soirée commence un peu timidement, mais on finit par vraiment bien rigoler, ce qui me garde éveillée !

Tout le monde part vers 23h30, mais j’ai l’impression de débarquer d’after après une nuit de folie quand je me fous enfin au pieu.


J’ai mal au ventre, je suis écœurée. J’ai sûrement trop mangé, puisque de toutes façons tout est trop pour mon pauvre corps dépassé.



15 janvier



On prend les mêmes et on recommence.


Je suis un peu à fleur de peau et agacée. J’ai passé la matinée à faire cuire un poulet farci et à faire décongeler des apéritifs Picard, ce qui maintenant que je le vois écrit me semble pas grand chose, mais j’ai l’impression de brasser de l’air pendant que tout le monde discute et ça me gonfle.


Antho n’a pas mis les « bonnes assiettes » donc la table est « moche », je fais des allers-retours en cuisine toutes les dix secondes pour faire des toast, ou surveiller les trucs qui sont au four tout en anticipant la cuisson des prochains trucs, je lance trois timer différents et quand je pose enfin mon boul deux secondes, les filles (la mienne et celle de J.) viennent me solliciter constamment pour savoir si elles peuvent faire ci ou ça. Je ne comprends rien aux discussions de mes amies qui ont l’air trop intéressantes parce que j’en rate la moitié.

Pendant ce temps, Antho parle en détails avec le mec de J. depuis quinze minutes d’un dessin de Batman qu’il vient d’acheter aux enchères. Alors je râle un peu, mais ma voix sort plus énervée que ce que je ne voulais. Je leur demande de s’occuper de leurs gosses respectifs parce que je vais pas tout faire en cuisine et gérer en plus le pôle divertissement des enfants. Ils me regardent interloqués, je mange une chips à la truffe.


Je suis gavée, et quand Antho me demande ce qu’il faut faire je lui dis d’ouvrir ses yeux parce que je suis pas l’intendante non plus. C’est pas à moi de penser pour deux, surtout en ce moment ou j’ai un cerveau qu’à moitié fonctionnel et quelques pulsions agressives par ci par là. Tu sais ce qu’on mange ? Donc tu sais ce qu’il y a à faire, je suis pas la donneuse de consigne.

Le mec de J. débarque aussi et demande ce qu’il peut faire, je ne sais même pas ce que je lui réponds. Rien de trop sec j’espère, après tout il est invité le pauvre !


Je redescends tranquillement de ma bouffée de colère et on finit par passer à table pour y rester 2h. Tout est bon, on rigole bien, on fait les rois et les filles ont comme de par hasard chacune une fève, on s’échange nos cadeaux dans de joyeux jetés de papier cadeaux festifs.


Mais moi je vais probablement imploser. Ça va être une mort ridicule, un feu d’artifice spectaculaire et dégoûtant de vieille bouffe accumulée depuis des semaines dans mes pauvres intestins martyrisés par je ne sais quelle hormone de grossesse.


La bébé fait à peine quelques centimètres, comment peut-il mettre un tel chaos à l’intérieur de mon corps ?




16 janvier


Je n’ai toujours pas digéré le repas d’il y a deux jours, je n’arrive pas à aller aux toilettes, j’ai mal au ventre, ça me rend folle. Ça m’obsède, je ne pense qu’à ça, j’ai l’impression d’avoir des kilos de merde coincés dans les intestins, c’est écœurant. Je passe plus d’une heure aux toilettes en fin de journée, sans succés, tout est bloqué.


Je tape « laxatif enceinte » sur google, et je vois que rien ne contre indique la prise de Movicol. Ça tombe bien, on en a plusieurs sachets. J’en avale un, c’est absolument infect, une sorte de mixture salée, mais à ce stade je boirai de la pisse d’orang-outan si ça me faisait chier.







18 janvier



C’est l’enterrement de ma grand-mère. Je dois prendre la route très tôt mais il a neigé toute la soirée et une partie de la nuit. Franchement, il neige une fois toutes les morts d’évêque, fallait-il que ce soit aujourd’hui ?!

Puis je me rappelle que ma grand-mère, Noëlle, était née un 25 Décembre, à l’aube de l’hiver et que ce décor lui va bien. Je sors de chez moi, la lune est absolument magnifique. Il y a quelque chose de spécial dans l’atmosphère, une ambiance mystique, une magie.


Je mets littéralement vingt minutes à dégivrer ma voiture, je gratte le pare-brise avec notre carte de rechargement pour bornes éléctriques, outil peu efficace. Je prends finalement la route, fébrilement, même si on a un 4-4. La seule fois où j’ai conduis sur la neige j’ai fini dans un fossé, personne n’a besoin de ça aujourd’hui.

C’est la cata pour sortir de la ville, ça roule au pas, on glisse, y’a des accidents à droite à gauche, j’espère qu’une fois sur l’autoroute ça ira mieux.


Sur l’autoroute je me tape des flips monumentaux, je glisse plusieurs fois sur des plaques de verglas et je me dis que c’est vraiment pas prudent ! J’hésite même à sortir pour faire demi-tour tellement j’ai peur, mais je ne peux pas renoncer à l’idée d’aller enterrer ma grand-mère avec ma famille, surtout avec ma mère. Mon frère et mon père ne veulent pas aller à l’enterrement, ce qui me fout en rogne depuis plusieurs jours, mais je me tais pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu.


Je roule à 70-80 une bonne partie du trajet, mon pare-brise est gelé, j’y vois de moins en moins bien, mon lave glace est gelé aussi donc je ne peux pas le nettoyer ! Ça me semble interminable.


J’arrive finalement à l’église pile à temps pour le début de la messe. Je rejoins ma mère. Elle souhaite rester tout au fond de l’église, au dernier rang, près de la porte. Je ne sais pas pourquoi mais je reste près d’elle sans poser de questions. La messe dure une grosse demi-heure puis nous allons tous à pieds au cimetière pour la mise en terre.

Sur le chemin, j’écoute des bribes de discussions des uns et des autres. Ça fait très très longtemps que je n’ai pas vu toute cette partie de ma famille, nous n’avons quasiment pas de contacts. Mais ça me fait plaisir de les voir, de découvrir ce que chacun devient. On se promet d’essayer de s’organiser pour se voir plus souvent, on en fera surement rien, même si la pensée est sincère.


J’annonce ma grossesse à quelques proches, c’est étrange dans le contexte, mais ça met des sourires sur les visages, parce que la vie gagne sur la mort. Même aujourd’hui.

J’apprends aussi toutes les histoires de famille, les disputes, les clans. Alors après le cimetière, au lieu de déjeuner tous ensemble on se scinde en deux groupes.


Je pense à mes enfants. Rien ne garantit qu’ils resteront unis, alliés, qu’ils seront meilleurs amis pour la vie, mais hors de question de m’enterrer puis de rentrer chacun chez eux comme si ils n’avaient pas grandi ensemble.


Sinon je les hanterai fort.


Aurevoir mémée Noëlle, repose-toi bien. Merci pour tout.








19 janvier



Je reçois un message d’une copine : « On va boire des verres en ville ce soir, tu viens ? ».

J’esquive, comme on a esquivé des tas de sorties ces dernières semaines. J’me dis qu’on doit vraiment nous prendre pour des sauvages malpolis, qui refusent tout sans raison apparente et ne renvoient jamais les invitations. Ça m’embête mais je n’ai pas envie de parler ma grossesse à ce stade, donc je suis devenue la reine de l’excuse pourrie.


Je vais le moins possible à l’école déposer ou récupérer Indie pour éviter les invits impromptues, je like les messages plus que je n’y réponds, bref, d’ici quelques temps je n’aurai plus de potes.




20 janvier



On booke des vacances avec Antho. Nos dernières vacances à trois ! Ça me fait vraiment tout drôle de me dire ça. On ne partira pas cet été évidemment puisque je serai probablement au bord de l’explosion en Juillet, et qu’en Août le divin enfant arrivera en grandes pompes !


J’imagine déjà les journées de canicule à suer des litres, tachycarder sur le carrelage de la cuisine en sirotant des glaces à l’eau, regrettant amèrement de ne pas avoir de résidence secondaire avec piscine.

Indie est née en novembre, la fin de grossesse était plutôt « douce », je marchais beaucoup, fausses Ugg aux pieds et ventre dépassant largement du manteau qui ne pouvait plus le camoufler. L’idée d’une toute fin de grossesse avec plusieurs journées de canicule m’inquiète un peu, mais c’est un problème pour plus tard.


Pour l’heure, on décide de partir découvrir Malte au printemps prochain. Une destination proche, où il fera beau mais pas trop chaud, où l’on pourra à la fois barouder un peu et se poser si besoin.

On prend tout avec option annulation, parce qu’une grossesse reste une aventure hautement imprévisible. Je serai à cinq mois et demi de grossesse d’ici là et je l’espère de tout coeur, en forme pour profiter de cette dernière escapade à trois.



21 janvier



On emmène Indie voir le spectacle « Mon premier Lac des cygnes » à Paris, dans la magnifique salle Mogador. On y était déjà allés il y a quelques mois, et elle avait tellement adoré qu'elle nous en parle en boucle depuis lors !

Une fois, alors qu'elle était en voiture avec son père, elle s'était mise à pleurer en évoquant le spectacle : "Je ne pleure pas parce que je suis triste papa, je pleure parce que c'était trop beau et j'ai des émotions !"


Je me plonge à fond dans l’instant présent, un super pouvoir que je travaille à développer et qui m’aide beaucoup à profiter de chaque jour. Notre vie à trois est très belle, facile. J’essaye d’en mesurer quotidiennement la chance, je suis très reconnaissante.

Mais lorsque je songe à ce que sera la vie à quatre, mon petit cerveau baigné d’hormones manque d’imagination. Ce que je sais par contre, c’est que l’arrivée d’un nouveau né s’accompagne de contraintes de rythme.


On s’adapte à lui, on fait en fonction de lui, c’est bien normal ! Les repas toutes les 4 heures, les nombreuses siestes, les couchers tôt… Je sais que notre vie va changer de nouveau, celle d’Indie aussi. On ne pourra plus se faire de petites excursions comme celle d’aujourd’hui, improviser nos journées, nous déplacer super facilement, traîner ici ou là…


Je sais que le quotidien sera assez limité et routinier pour un moment. Je vois ça comme un moment à passer, pas forcément celui que je préfère, mais qui apportera son lot de joie aussi.


Pour l’instant, ma fille a toute la place dans mon coeur. Bientôt, je devrai en faire tout autant pour son petit frère ou sa petite soeur. En attendant, ma grande fille regarde les danseurs de l’opéra de Paris virevolter et ses petits yeux brillent d’autant d’étoiles qu’il y en a sur scène.







25 janvier


Mon visage est rempli de boutons. Depuis le tout début de ma grossesse, j’ai eu des boutons chaque jour. La plupart sur le bas du visage, beaucoup tout autour de la bouche, beaucoup démangent, certains font même mal.


La grossesse ne me « réussit » pas, j’ai l’impression de moisir de l’intérieur. Comme si mon corps tout entier n’était plus qu’au service d’une seule chose, d’un seul être, un innocent et minuscule petit roi de quelques grammes à peine, vortex puissant de vitalité : le bébé.


Il est venu, s’est installé et mon corps lui a intantanément prêté allégeance. Prends tout, c’est à toi ! Tout est à toi.


Tout.







26 janvier


C’est le le jour J ! Celui de la seule, fameuse et unique première échographie officielle de grossesse, j’ai nommé : la T1. Que veux dire T, aucune idée, on s’en fout !

Je ne suis pas particulièrement excitée ou émue à l’idée de cette échographie, mais plutôt dans l’expectative. J’attends de voir ! Si tout va bien, si tout est à sa place, si on va nous donner le droit de nous projeter un peu plus loin et de nous réjouir, si on va l’un et l’autre se réjouir…


Ça sera aussi l’occasion de découvrir un peu mieux le pôle femme-enfant de l’hôpital, qui inclue la maternité. Nous y sommes déjà venus, mais seulement pour des RDV pour Indie, dans un autre département que celui où j’accoucherai.

Ça m’avait surpris lors du premier rendez-vous avec la sage-femme, je lui avais demandé si je devais m’inscrire à la maternité et elle m’avait regardée un peu étonnée. J’avais expliqué qu’à Paris pour ma première grossesse, la secrétaire de mon gynéco m’avait dit d’entamer les démarches juste après notre première rencontre tellement les maternités étaient full ! J’étais à peine enceinte ! J’avais d’ailleurs été « recalée » d’une ou deux maternités assez rapidement.


Ici, la question ne se pose pas, il n’y a qu’une maternité, donc c’est là qu’on accouche point final. Forcément, les formalités d’inscriptions ne pressent pas, ce ne sont littéralement que des formalités puisqu’ils doivent prendre tout le monde !

C’est un peu à double tranchant; j’espère ne rien voir qui me rebute pendant notre RDV du jour, parce que je n’ai pas de solutions de repli, hormis aller accoucher loin, ce que je ne souhaite pas tellement !


On a RDV à 10h45 avec Dr S. On se pointe pile à l’heure, il n’y a pas de secrétariat, juste un dédale de portes closes et un fléchage au sol qui nous indique le chemin. On tombe sur six ou sept personnes qui attendent dans le virage d’un couloir, tous assis, tête plongées dans leurs téléphones. Je vois pas mal de ventres arrondis, je me dis qu’on doit pas être loin. Il y a une affichette qui dit de patienter ici qu’on nous appelle.


Y’a plus de places pour s’asseoir et je n’aime vraiiiiment pas la proximité avec des inconnus donc on se met un peu à l’écart et on attend en papotant. Je fais un résumé à Antho du podcast hyper émouvant que j’ai écouté la veille, EX, témoignage poignant d’une femme sur l’histoire d’amour assez folle qu’elle avait vécu avec un homme. J’étais partie marcher écouteurs sur les oreilles et j’avais pleuré comme une dinde dans la rue tellement j’avais été saisie d’émotions !


Alors que je narre avec passion et talent cette histoire, une petite femme débarque dans le couloir, hirsute et visiblement très fâchée. Elle a une drôle de démarche, sa veste tombe à moitié de ses épaules, elle tient des papiers à la main et peste tout haut : « J’en ai marre, c’est pas possible, c’est où le secrétariat ? » Elle débarque en trombe en interpellant tout le monde : « C’est où le secrétariat ? » Je crois que personne ne sait vraiment, alors sa question reste sans réponse. Elle fait de petits allers-retours nerveux, tape à plusieurs portes en pestant de plus en plus fort, elle est vraiment agitée la dame !

On est partagés entre amusement et léger agacement avec Antho, elle est assez comique dans sa façon d’être théâtrale et bruyante, mais elle est aussi assez stressante parce qu’elle semble au bord de l’implosion.


Elle crie encore plus fort et déchire violemment tous ses papiers : « Y’en a marre on me balade partout depuis 2h, y’a personne ! » Elle fait demi-tour, retraverse le couloir et va taper à une porte plus loin. Elle hurle sur une jeune femme qui lui répond qu’elle est sage-femme ici et qu’elle va essayer de l’aider. Elle l’emmène toquer à une porte que visiblement elle n’avait pas encore tambouriné, et qui s’ouvre sur une secrétaire.

Ah ! Il y a donc un secrétariat, c’est juste que la secrétaire se cache. Je ne comprends pas tellement le concept de la secrétaire planquée, je réfléchis aux causes à effets : est-ce que la secrétaire se cache pour ne pas se faire crier dessus par des patients hystéro ou est-ce que les patients sont hystéro parce que la secrétaire se cache ? Vous avez quatre heures. Quelques minutes plus tard, la drôle de petite dame repart, calmée.


« Madame Harcheb !? » appelle une toute petite voix.


On rentre dans le cabinet. Dr S. est une femme d’une bonne quarantaine d’années je dirais, c’est dur de jauger avec les masques, elle est petite et a l’air très doux.

Elle commence par nous poser une série de questions, qui tournent autour de potentielles maladies ou particularités génétiques dans nos familles, elle jette un coup d’œil à l’écho de datation du mois précédent et se renseigne sur mon cycle. J’apprécie, parce que j’ai un cycle court et je sais que la grossesse ne date pas du 15 comme il a été dit par le précédent gynéco, mais plus probablement autour du 10.


Pour Indie, on ne m’avait pas écoutée sur la date de début de grossesse et je reste persuadée que le terme avait été calculé trop tard. Bref !


Je m’installe sur la table, mouchoirs en papiers dans le fut, gel glacé sur le ventre et c’est parti ! Elle trouve rapidement le bon angle et commence un examen hyper minutieux de chaque partie de son petit corps. Et…je souris. Fort.

Je souris littéralement non stop pendant tout l’examen, je ne quitte l’écran des yeux que pour jeter de furtifs coups d’œil à Antho, qui lui aussi est tout sourire derrière son masque. Je ne le vois pas mais ses yeux le disent.


Tout va bien. J’observe notre bébé et je le trouve super mignon. Il est tout tranquille et lorsque la gynéco veut le faire bouger elle appuye fort avec sa sonde et on le voit valdinguer dans sa petite piscine. Mon bébé ! Je suis émue, attendrie, rassurée !

Elle prend toutes les mesures, nous explique tout, nous montre tout, c’est tellement agréable quand ça se déroule comme ça. Puis elle demande : « Vous souhaitez connaitre le sexe ? ».


On est un peu pris de court, je sais que sur les premières écho ce n’est jamais très fiable, mais comment dire non ? On a dans le fond de la tête la prédiction de la tante de ma meilleure amie A., qui nous a dit qu’elle était à 99% sûre qu’on attend une fille.


« Je suis quasiment sûre que c’est un garçon ! Vraiment à 90% ! » Ah !? Oops.

Je sais que j’ai dit que je préférerais au fond de moi avoir une autre fille, mais en fait, je crois que j’aimerais tout autant avoir un petit garçon. Je ne suis pas du tout déçue, j’en suis même un peu étonnée !


Elle me dit que mon placenta est placé « trop bas », au niveau du col de l’utérus. Elle me demande si j’ai des saignements puis me dit que c’est assez fréquent en début de grossesse et qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter, que ça se repositionne bien dans la plupart des cas.

Elle me met quand même en garde et me demande de ne pas faire de sport ni d’avoir de relations sexuelles d’ici là. D’ici la prochaine écho, dans deux mois en gros quoi ! Je me dis que c’est long, mais pour être honnête, le sexe est le cadet de mes soucis en ce moment, je n’en ai aucune envie vu que je j’ai toujours un truc qui va pas : mal de ventre, mal de tête, soucis de digestion…


L’écho touche à sa fin, on discute encore un moment à son bureau, au vu des mesures, elle avance la date de conception et donc la date du terme de 5 jours. Je dirais bien que j’avais raison mais tout le monde s’en fout ! Elle nous file un papier pour faire faire la prise de sang des marqueurs sériques et nous explique en détails comment se déroulent les procédures en cas de suspicions de trisomie 21, nous imprime les premières photos de notre bébé et on file.


Dans la voiture on debrieffe avec Antho et on peut toujours pas s’arrêter de sourire.


Et ça y est, je crois que je viens de tomber soudainement dans cette grossesse ! J’y suis.







27 janvier



J’ai rendez-vous chez la sage-femme, l’emploi du temps d’une femme enceinte est semblable à celui d’un ministre - qui sèche un peu les séances à l’assemblée -

On a rendez-vous à 14h00. J’arrive quelques minutes avant et observe de nouveau tous les faire-parts de naissance qui sont accrochés ici et là. Je feuillette quelques flyers, je vois qu’il y en a qui s’adressent aux femmes victimes de violences, je me dis que c’est vraiment bien que ce soit là.


J’attends un moment mais personne ne vient. J’appelle au bout de vingt minutes, pas de réponse. J’envoie un SMS, paaaaas de réponse. Je me dis que je vais attendre la demi, au cas où elle se serait trompée d’une demi-heure dans son planning.

Vers 14h25 elle apparaît enfin, elle était dans un autre bureau avec une patiente. Elle abuse, elle aurait pu passer une tête pour me dire qu’elle était là et vraiment à la bourre…


Elle prend tous mes papiers, les deux échos, regarde tout attentivement, puis me pose plein de questions, dont certaines auxquelles j’ai déjà répondu le mois dernier ! Je me rends compte qu’elle avait pas noté la moitié des trucs la fois d’avant, décidément, elle est tête en l’air cette sage-femme.

Je lui parle de mes soucis digestifs, j’exprime le fait que ça me frustre vraiment, mais elle se contente d’hocher la tête. Sa réaction aussi me frustre. J’aurais bien aimé quelques conseils, des recommandations, un mot rassurant je ne sais pas, quelque chose ! J’ai juste le droit à un putain d‘hochement de tête. Comme quand on dit « oui oui ! » à quelqu’un mais qu’on se contrefout bien de ce qu’il raconte dans le fond parce que ce n’est pas important. Ouais, t’as des soucis digestifs meuf, t’es enceinte, c’est normal.


C’est drôle parce que je m’étais vraiment imaginé qu’en allant consulter une sage-femme, je trouverai une approche hyper différente, quelque chose de plus « alternatif » dans le suivi de grossesse, où on aurait échangé des formules magiques et des potions secrètes guérisseuses de femme à femme. Mais non, elle est hyper terre à terre, on aborde le strict nécessaire, c’est assez médical.

Elle me pèse. J’ai pris un kilo, elle est contente, c’est « bien ». Les kilos, c’est concret, ça se mesure, c’est chiffré, comme les taux sur les analyses de sang. Les états d’âme, on ne les mesure pas, on ne les considère pas, alors on hoche simplement la tête.


Je lui demande à quel moment on peut faire faire une échographie pour déterminer le sexe du bébé avec certitude, elle m’indique une date approximative, puis ajoute :


«  Vous allez faire faire ça où ? 

On essaiera de coupler ça avec un rendez-vous professionnel sur Paris, on y va régulièrement !

Vous aller payer cher ! Mais bon, en même temps ce n’est pas un examen nécessaire.

Ça l’est pour les femmes qui ont du mal à investir leur grossesse. Y’a des femmes qui se projettent beaucoup mieux après la découverte du sexe, ça les aide.

Ah oui, d’accord. » Elle m’ouvre la porte de son cabinet en hochant la tête. Je file.







28 janvier



On est invités à déjeuner chez ma meilleure amie J.


La matinée a été compliquée, j’ai mal au ventre. Avec Antho on a dit qu’on amenait le dessert et j’ai proposé qu’on fasse des crêpes. Antho s’est auto proclamé roi des crêpes, je lui ai offert une plaque « professionnelle » à un Noël passé et c’est toujours lui qui s’y colle. Sauf qu’il a bossé tard la veille, qu’il est crevé, se lève vers 10h et que rien n’est fait, ça me tend !

Pour ne rien gâcher, j’ai voulu tester une nouvelle pâte à crêpes tirée d’un livre de patisserie réputée mais elle est grasse, pleine de grumeaux, craquelle à la cuisson et Antho étale ça n’importe comment sur sa plaque. Grdvhihuiguj !


Je m’agace que ce soit raté, il réplique en disant que je l’énerve en observant ses moindres faits et gestes, je surrenchéris en le traitant de beauf de base option ouin ouin à qui sa femme ne peut rien dire sans compromettre sa virilité, bref, un carnage. Ma colère est disproportionnée et je le sais, mais je ne la maîtrise pas, elle se déverse là sans vraie raison valable que celle d’hormones en feu. Rien ne va.

Je quitte la cuisine et jubile un peu de l’entendre pester cinq minutes plus tard. Que je sois là ou pas ne change rien à la qualité de tes crêpes ein ?! Bref, on s’accorde pour balancer cette daube informe qu’on ne peut qualifier de pate à crêpe et on passera à la boulangerie prendre des gâteaux.


En arrivant chez J., Antho me lance : « Alors, annonce ou pas ? ». Cela fait quelques semaines que je soupçonne J. d’être enceinte. Rien de bien tangible, mais je la trouve particulièrement guillerette, puis je sais qu’ils essayent. Evidemment, je n’ai rien dit, je n’aime pas qu’on vienne me titiller lorsque j’essaye de garder des secrets, alors j’en ai fait tout autant en retour.


On s’installe, on prend un petit apéro, on discute, puis juste avant de passer à table, J. et son mec G. nous filent des jeux à gratter. J’adore les jeux à gratter et Indie aussi, je demande quelle est la procédure si l’un de nous gagne une grosse somme, on se dit qu’on partage !

Indie a un Fétiche, je l’aide à le gratter puis Antho gratte le sien, perdant aussi. Tout le monde gratte et tout le monde perd. Pour je ne sais quelle raison je n’avais pas bien regardé le mien de ticket, qui a une drôle de tête !


C’est un ticket très simpliste, style casino, avec une seule grosse case à gratter, une roulette ! Je gratte, puis je vois des lettres, puis des mots, puis je déchiffre : « Tu vas être marraine ! » HAAAAAA !

Purééééeeeee, comment j’ai pu me faire berner, moi qui écris sur la grossesse depuis des années, qui ai échangé de multiples fois sur les façons de les annoncer, dont les fameux tickets à gratter ! Je suis tellement heureuse. Pour elle, pour eux, pour ma nièce adorée qui rêve de devenir grande soeur depuis si longtemps !


Nos bébés auront si peu d’écart, on va être enceinte ensemble, on va vivre ça en même temps, c’est fou ! Je suis vraiment pas branchée délires girly girl, BFF et tout, mais être enceinte en même temps que ta meilleure pote, c’est une expérience unique ! Ça me met vraiment en joie.

Puis elle a eu sa première grossesse jeune, à l’âge où, nous, ses amies étions encore dans d’autres considérations, moi la première. Je n’avais pas été vraiment à fond avec elle, ni pendant la grossesse, ni pendant le post-partum qui avaient été affreux pour elle moralement.


Pas parce que je m’en fichais, loin de là, mais parce que je ne pouvais pas comprendre ce qu’elle vivait ! C’est bien après que j’ai réalisé tout ce qu’elle avait traversé seule, je m’en suis voulue en décalé. Je vois aujourd’hui l’opportunité que tout soit différent avec ces grossesses simultanées, l’opportunité d’être là pour elle tout simplement.


De suite, elle me dit qu’elle se ne sent pas bien, elle est déjà extrêmement nauséeuse et ça complique beaucoup son quotidien. Je crois que ça lui fait du bien d’en parler, de pouvoir partager un peu son « fardeau », de savoir que désormais elle pourra m’en parler, se plaindre et que je serai là pour compatir, pour la comprendre.

Après tout, j’écris sur la grossesse depuis des années, je parle quotidiennement avec des femmes qui me confient leurs histoires, alors je suis bien placée pour l’épauler cette fois ci.


Le déjeuner se passe, assaisonné uniquement de conversations qui tournent autour de nos utérus squattés, de nos jérémiades respectives, de nos mecs un peu dépassés mais bien présents, et surtout de beaucoup d’excitation.


Elles sont loin les crêpes ratées, on s'en fout, on va être mamans !








31 janvier



Mon ventre est tellement tendu en permanence, tellement gonflé, ça s’arrête quand le premier trimestre et toutes ses daubes ? Je veux pouvoir remanger tranquille, me sentir mieux. Ça fait des semaines et des semaines que pas un jour n’est passé où je me sois sentie vraiment bien. Ou plutot vraiment moi ! Moi dans mon corps, avec les ressentis qui me sont familiers, je sais pas, juste bien quoi.


C’est ça qui me perturbe le plus dans la grossesse je crois. De ne rien ressentir de familier, d’habituel dans mon corps ! Ce qui tombe sous le sens parce que ce corps en question est en train de faire quelque chose de phénoménal ! Je me demande très souvent ce qui fait la différence entre une femme comme moi et une qui adore être enceinte. Est-ce que je suis plus chiante ou plus sensible ? Est-ce que j’ai plus de « symptômes » ou est-ce que je les ressens plus ? Ou plus fort, ou les deux ?


Est-ce que les femmes qui aiment être enceintes arrivent à mettre de côté tous les désagréments liés à la grossesse ou est-ce qu’elles n’en ont pas ou moins ? J’ai beau tourner le truc dans tous les sens, je ne vois pas comment on pourrait se sentir comme je me sens et aimer être enceinte.


Depuis que j’écris sur la grossesse, je condamne fermement les injonctions au bonheur de toute sorte : non on a pas à être forcément heureuses pendant neuf mois, on est pas obligées d’être à fond dans la grossesse, on est pas obligées d’aimer les petits coups du bébé, on est pas obligées d’aimer notre corps qui se transforme, on est obligées de rien en fait !


C’est un cheval de bataille duquel je ne descendrai jamais, parce que ce sont les premières injonctions de nos vies de mères mais certainement pas les dernières. Je me dis que si on arrive à déculpabiliser un peu les femmes dès le début, dès la grossesse, alors l’accouchement, le post-partum et la maternité en général seraient peut-être moins durs pour certaines.

Elles auraient cette petite voix au fond d’elles qui leur murmurerait : « ça va aller, tu es normale, tu n’es pas seule, ce que tu ressens est valide, tu es assez bien ! » en cas de besoin. La voix assurée et sorore de toutes leurs sœurs de vécu.


Alors voilà, je sais tout ça, je le clame, je le vis, je le suis.


Mais certains jours, si vous saviez à quel point j’aimerais être une de ces femmes qui adorent leurs grossesses. Celles qui semblent léviter gracieusement au dessus des flots changeants des hormones et angoisses. Putain, qu’est ce que ça doit être chouette. Je ne le saurai jamais.







3 février



On couche Indie avec Antho et, alors qu’il lui lit son histoire du soir, il s’emmêle les pinceaux. Il lit une phrase comme si elle était déclarative alors qu’il s’agit d’une ligne narrative. C’est vraiment quedal, rien de bien drôle. Je suis partie dans un fou rire incontrôlable de 10 minutes. J’hurle et pleure de rire devant les yeux interloqués de ma fille, visiblement très perplexe.


Je ris comme je n’ai pas ri depuis des semaines, c’est incontrôlable, nerveux et je ne peux plus du tout m’arrêter ! J’essaye de me calmer après chaque salve de rire, mais je repars de plus belle au bout d’une demi-seconde. J’ai mal aux abdos, j’arrive plus à reprendre assez d’air, je suis écarlate, bref… J’ai eu un mon premier fou-rire de grossesse.


Ouais, j’ai ça, et desfois ça arrive pour des trucs encore plus nuls et parfois même en public. C’est super gênant. Enfin surtout pour Antho, moi, j’ai toutes les excuses, je suis enceinte mesdames messieurs.




4 février



On a une soirée prévue depuis un bail avec les copains de l’école et de l’APE. Je vous laisse deviner le menu : ra… raaaa ?

RACLETTE ! Bon, on a pas encore très envie de faire les annonces de grossesse à grande échelle, beaucoup de nos amis les plus proches ne savent pas encore, mais on ne se soucie plus de le cacher absolument non plus. Ce sera donc une raclette party / annonce party !


Je repense à la dernière raclette que j’ai mangé en Décembre et comme ça m’avait littéralement FLINGUE le bide, je flippe un peu que ça recommence.


Les annonces se succèdent et se ressemblent pour la plupart, celle-ci comme les précédentes : étonnement, petits cris, félicitations et accolades. Moi je ne sais toujours pas pourquoi je n’aime pas trop ça, mais c’est toujours le cas lol !

Je me sens observée et « mise à nu », j’ai hâte que le sujet de conversation change, mais c’est évidemment jamais très rapide.


Les copains, qui ont tous déjà deux enfants, plaisantent en nous souhaitant bonne chance. Enfin, je ne crois pas qu’ils plaisantent vraiment dans le fond, mais ça nous fait marrer.


La soirée se déroule entre les cris de nos gosses, les tranches de fromage fondu et les verres qui se vident aussi vite qu’ils se remplissent. Sauf le mien ! Étrange.


Puis voilà, la nouvelle de ma grossesse est un peu plus dans l’univers.





7 février


Je passe une partie de l’aprem avec une bouillotte sur le ventre. Je ne sais pas ce qui me fait mal, si c’est digestif ou ligamentaire, sûrement les deux vu que je suis une grosse looseuse au grand loto de la grossesse, mais ça me pompe l’air et le moral.








8 février


Je fête une centaine aujourd’hui. Ça fait 100 jours pile que je suis enceinte.

Pour fêter ça j’ai des chtars partout sur le visage. Je ressemble à la télécommande de ma box, plus de boutons que nécessaire.


Vraiment, le « glow » de grossesse m’ignore, me ghost, me nargue, m’évite, m’évince, me déteste même.


Je t’ai fait quoi au juste espèce de connard géant, j’te dois des thunes ou quoi ?





La semaine prochaine : le mois 4.


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