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  • Photo du rédacteurMaude Harcheb

JOURNAL DE BORD D'UNE GROSSESSE

PROLOGUE







Voilà. C’est arrivé. Quatre ans et demi après la grossesse de notre premier enfant, je suis enceinte de nouveau. Avant de parler de cette grossesse, j’aimerais parler du chemin qui y a mené. Si je ne me suis pas demandée outre mesure si je voulais « un enfant » au sens général, je me suis demandée en long large et travers si j’en voulais un deuxième.

Ce n’est vraiment pas facile de se poser cette question tranquillement, puisque tout le monde semble partir du principe qu’il est évident que les enfants arrivent au moins par paire. On ne dit pas « tu veux un enfant ? » on dit « tu veux des enfants ? » ou encore « tu as des enfants ? ». Pluriel. Avoir un enfant unique, quelle idée saugrenue !

Tout le monde a son argument imparable au pourquoi du comment il est impensable qu’un enfant grandisse sans fratrie.

Déjà, c’est dommage. Voire carrément triste. Pauvre petit être qui va grandir tout seul, sans copain de jeu, sans compagnon de vie ! Puis trois c’est pas un bon chiffre dans les relations en général, une famille c’est à partir de quatre. C’est matraqué partout, la norme qu’on nous sert à toutes les sauces c’est la représentation de deux parents et bien souvent deux enfants. De préférence une fille et un garçon. Plus ça commence à être beaucoup d’enfants, moins c’est pas assez, dites-donc, quelle fabuleuse marge de manoeuvre !

Ensuite, c’est égoïste de ne faire qu’un enfant. Surtout si on pense un peu au futur, aux difficultés de la vie ! Un frère ou une soeur c’est ton sang, c’est filial, c’est un ami pour la vie, quelqu’un sur qui s’épauler en cas de coups durs. Et surtout pour nous, parents, il est toujours mieux d’avoir plusieurs enfants pour nos vieux jours. Ca permet de rester entourés, d’avoir plus de visites, de petits enfants à choyer, c’est aussi l’assurance que l’on s’occupe de nous en cas de pépin. Enfin bref, la FAMILLE quoi. C’est sacré.

C’est bien connu, y’a qu’à regarder autour de nous, le monde est peuplé de frères et sœurs qui s’aiment inconditionnellement, s’entendent à merveille et se portent secours les uns et les autres au moindre pépin. Tout comme les personnes âgées voient leurs journées bercées de visites, appels et autres témoignages d’affection de leur descendance.

Puis les enfants uniques ils sont un peu étranges nan ? Un peu égocentriques, forcément tout a toujours tourné autour d’eux, ils sont le centre de leur petit monde où personne ne les contrarie jamais. La fratrie ça aide les enfants à bien se développer, ils apprennent le partage, la confrontation, la frustration, le compromis. L’empathie surtout. Parce que rolala, les enfants uniques ils sont pas très portés sur l’autre ein ! Tout le monde a l’exemple d’un.e pote fils ou fille unique qui est sympa mais un peu chelou, limite inadapté.e socialement. Forcément, grandir seul ça n’a pas aidé. Les pauvres.

Voilà, pour toutes ces excellentes raison, il est impensable de n’avoir qu’un enfant, faudrait vraiment être con en gros.

Puis en plus de l’injonction du deuxième enfant, s’ajoute celle de faire vite ! Ne crois pas que t’as tout le temps nécessaire pour prendre une décision éclairée ! Y’a pas le temps de tergiverser des plombes, on va pas faire des enfants avec je ne sais pas combien d’années d’écart ! Sinon on en revient au même problème, on en perdrait tout le bénéfice : ils pourront pas jouer ensemble, ils se sentiront seuls et deviendront des adultes bizarres. Donc, deux ans, trois maaaaaximum d’écart c’est bien, après ça fait beaucoup. Puis une fois sortis des nuits hachées, des couches, des petits pots et tout, c’est vachement plus dur de s’y remettre !

Bref, nul besoin de mener quelconque réflexion, les faits sont là, implacables.

Qu’est-ce que j’ai pu entendre et lire tout ça. Comme j’ai fusillé du regard, comme j’ai souri avec un mépris à peine contenu, comme j’ai levé les sourcils au ciel, comme j’ai esquivé. Avec une seule envie à chaque fois, celle de crier des grossièretés au visage de tous ces gens. Ils m’ont drôlement fait chier alors que je souhaitais simplement prendre le temps de mieux me comprendre. Pénibles, intrusifs, culpabilisants et un peu idiots sur les bords.

Déjà on ne sait jamais rien de la vie des autres, on présume. On ne sait pas ce qui se passe dans la tête de quiconque ni dans un couple ! Etre copain ou du même sang n’autorise pas à venir frontalement exposer ses idées comme étant la vérité absolue. Il y a mille raisons expliquant potentiellement l’absence d’un enfant, que ce soit le premier, le deuxième ou plus. Aucune ne regarde qui que ce soit hormis les concernés. Si vous lisez ces lignes et qu’il vous arrive de demander « Alors c’est pour quand le bébé ? », arrêtez s’il vous plait, ce n’est jamais constructif, mais c’est toujours embarrassant.

Vous voyez, je pars de loin dans ma réflexion, étant donné que j’ai rejeté en bloc tous ces non arguments. Personne n’allait me dire quoi faire et quand. Je les ai rejetés parce qu’ils me semblaient bêtes, puis également par principe, parce que j’ai toujours eu l’esprit de contradiction et que si on me dit « tout le monde fait ça », je vais voir si je pourrais pas plutôt faire le contraire. Si nous devions avoir un deuxième enfant un jour, ce serait NOTRE décision, c’était limpide dans ma tête. Il était primordial pour moi de me donner l’opportunité de penser que, peut-être, je n’aurai qu’un enfant.

Pourtant, cette réflexion m’a torturée par moments. Avoir un enfant peut devenir une idée fixe pour certaines femmes, pour moi l’envie de répondre à la question du deuxième en était une. T’en veux un autre ou pas ? Comme si il fallait que j’y réponde vraiment rapidement et que le sujet soit clos définitivement. Le fait d’être dans l’incertitude m’embêtait vraiment, j’ai toujours su avec clarté ce que je voulais dans ma vie. Voilà que je m’y mettais aussi ! De moi à moi, quelle immonde ironie.

Coup de gueule mis à part, de toute évidence, refuser de manière pragmatique de céder à quelques pressions de la societé ne les fait pas disparaître non plus. C’est plus vicieux que ça, c’est ancré profondément, c’est là en toile de fond très loin... ça vient te rappeler que t’as beau être rebelle dans l’âme, tu n’es pas émancipée de toute règle sociale pour autant. Tu n’es pas l’exception. Ce fut un drôle de combat dans ma tête. Maude VS le patriarcat, épique.

Comment je suis passée de tout ce que je viens de dire à cette nouvelle grossesse ? Ce fut un cheminement de 4 années en 4 points. Voici un PowerPoint. Nan je déconne.





 

1- L’ENVIE

Au début de ma réflexion, si je me demandais objectivement « as-tu envie d’un deuxième enfant ? Là, tout de suite, est-ce qu’un enfant manque à ta vie ? » La réponse a longtemps été non. Très simplement. Alors je me disais de manière pragmatique que pour l’instant, le débat intérieur pouvait s’arrêter là. Je ne ferai pas de deuxième enfant sans en avoir envie, il me semblait que c’était l’essence même de tout projet d’enfant. Sinon, on en revient forcément aux arguments cités précédemment qui justifient l’arrivée d’un autre enfant pour des raisons plus pratiques : faire un copain au premier, pérenniser l’avenir familial etc. Mais je n’arrivais pas à me foutre la paix pour autant.

J’ai passé des heures à me demander pourquoi, ma question préférée au monde. Pourquoi je n’en ai pas envie ? Pourquoi tant de femmes connaissent ce désir et pas moi ? Ma fille est super, je l’adore alors pourquoi je n’en voudrais pas un.e autre ? POUR-QUOI ?

Ca me gardait éveillée la nuit, ça alimentait beaucoup de mes rêveries, c’était un sujet récurent avec Anthony, même si je crois que je ne lui ai jamais vraiment dit à quel point cette réflexion était prenante. C’était entre moi et moi-même que la vraie discussion avait lieu.

Pendant un moment, je crois que je n’avais fondamentalement pas envie. Tout simplement. De la même manière qu’on peut ne pas avoir faim. J’étais dans un post-partum bouleversant, dans une fatigue, dans un tourbillon existentiel. L’envie d’un second enfant n’avait nul part où se nicher, tous les recoins de mon être étaient déjà occupés. J’étais en pleine reconquête de mon identité. Et mon dieu que je suis lente, parce que ça a duré un moment !

2- L’IDENTITE

C’était aussi une question de perception. J’avais l’impression que les gens me considéraient différemment après la naissance de ma fille et je détestais ça. Fondamentalement, je n’avais pas envie que l’on me voie autrement. J’étais très mal à l’aise que l’on s’adresse à la maman que j’étais, comme si c’était tout ce qu’il restait de moi. J’ai passé 30 ans à ne pas être mère, je ne pouvais pas accepter que ce soit tout ce que je sois devenue désormais.

« Mère » semblait devenir aux yeux de tous ma nouvelle identité. On entend souvent dire que les femmes se découvrent entièrement, se sentent complètes lorsqu’elles deviennent mères. C’est ce qu’elles attendaient ou ce qui les a pleinement révélées. Je me sentais tellement loin de ça. J’en étais même à l’opposé, j’avais le sentiment que ce statut de mère délogeait tout le reste, que ça effaçait la femme, l’artiste, l’amie, tout. Moi je ne voulais pas être définie comme étant une mère, c’était en décalage complet avec tout ce que je ressentais à l’intérieur et ça me contrariait beaucoup.

« Alors, ça fait quoi d’être maman ? », qu’est ce qu’elle m’a gonflé cette question ! Tellement frontale, tellement intime ! Pourquoi tout le monde me demande ça mais personne ne me demande ce que ça fait de ne plus être moi ?

J’ai voulu comprendre. J’ai lu, j’ai beaucoup lu, j’ai échangé avec d’autres femmes qui étaient en plein post-partum elles aussi ou qui en étaient sorties. Parce que sans surprise, j’étais loin d’être la seule à ressentir tout ça ! J’ai appris des réflexions, des expériences et des partages généreux d’inconnues qui écrivaient leurs tranches de vie. Pour que d’autres se sentent moins seules et surtout, pour se sentir seules ensemble.

Pendant les trois premières années qui ont suivi mon accouchement, j’ai appris à écouter les femmes, à les considérer comme jamais je ne l’avais fait auparavant, à les respecter, à les aimer, à les mettre sur le piédestal qu’elles méritent. Toutes, chacune à leur façon, m’ont aidée à y voir plus clair, que ce soient celles qui avaient des mots qui faisaient écho en moi ou celles desquelles je me sentais loin. Confronter mes pensées, mes ressentis m’a considérablement aidée. Mais ça a pris un temps fou. Plusieurs années. Long short story, je ne peux décemment pas vous gonfler avec l’équivalent de trois ans de réflexion, mais un jour j’ai compris.

Etre mère n’était pas mon identité et ne le serait jamais ! C’est un rôle, une fonction. Un rôle que j’aime, mais que je peux quitter pour en endosser un autre lorsque je le souhaite. Je peux switcher sur mon rôle d’artiste, de femme, d’autrice, de pote... Je ne suis plus limitée ou contrariée, ni par la perception des autres ni par la mienne. Cette compréhension de ma maternité m’a beaucoup apaisée.

Quand j’ai pu dire : c’est ainsi que je suis mère et ainsi que je ne le suis pas, quand j’ai compris que je pouvais l’être comme et quand je le souhaitais, je suis passée tout naturellement à la phase suivante de mon cheminement.

3- LA PEUR

Pas la peine de passer par douze chemins, j’avais peur d’avoir un autre enfant. Peur de revivre la grossesse que je déteste, peur de faire une fausse couche, peur de revivre un post-partum, peur d’avoir une montée d’angoisses horribles comme à la naissance d’Indie, peur de regretter, peur que ça tue mon couple, peur de ressentir la fatigue extrême des deux premières années, peur que le deuxième ait un problème de santé, peur que ça chamboule tout.

Souvent, aux grands carrefours de ma vie, j’ai ressenti de la « bonne peur ». Celle qui te transcende, qui te fait avancer, celle qui dit que tu prends un risque mais que c’est la bonne décision. Ce genre de peur que tu te félicites de dépasser parce qu’elle t’emmène à la prochaine étape de ta vie.

Alors finalement, que faire de cette peur du deuxième enfant, que disait-elle ?

Après tout, que fait-on de fou, de beau ou d’unique dans la vie sans avoir peur ?

4- LE DEUIL

Quand on donne LA vie on fait le deuil de certains aspects de SA vie d’avant. Enfin peut-être pas pour toutes les femmes, mais pour moi oui. Ca aussi, j’ai mis un moment à l’accepter ! Je vous l’ai dit, je suis lente. Quand on me demandait ce que devenir mère avait changé dans ma vie, je répondais aisément du tac au tac « rien ». C’était un vilain mensonge de type auto persuasion, puisque bien évidemment, tout avait changé. En plus de ma crise identitaire, mon quotidien n’était plus le même.

Tout devait retrouver sa place, les organes dans mon corps, mon mec, moi, notre couple, notre bébé, mon travail, nos amis, nos familles... Quel immense bordel !

Les premières semaines de vie de ma fille sont honnêtement très floues, je ne m’en souviens pas vraiment, c’est comme un gros brouillard dans lequel j’ai avancé à l’aveugle.

Rapidement, j’ai voulu refaire des trucs comme avant. Parce que c’est ce que je pensais devoir faire pour ne pas « m’encroûter » dans une vie de famille plan plan qui ne nous correspondait pas. “Nous on est pas le genre de personnes qui s’oublient pour ne vivre qu’à travers leurs enfants !” Parce que l’avatar parfait de la jeune mère s’occupe bien de son bébé, soigne son couple, brille en société, reprend vite sa carrière en mains... Sauf qu’à vouloir brûler les étapes on est partout et nul part à la fois.

La vérité est que les premiers mois de vie de notre fille, j’avais beaucoup de difficulté à me concentrer sur quoique ce soit d’autre que sa petite existence : est-ce qu’elle a mangé assez, est- ce qu’elle va bien dormir, est-ce qu’elle va arrêter de tousser, dans deux jours y’a les vaccins... c’était un tourbillon géant qui ne semblait jamais se calmer. Une étape en amenait toujours une autre, une question en amenait toujours une autre, on apprenait à devenir parents au jour le jour, sur le tas. La plus grande partie de poker de nos vies, full bluff et poker face plutôt douteuse.

Mon cerveau semblait marcher totalement différemment, je ne pensais plus comme avant, je n’avais plus les mêmes capacités de concentration, de réflexion... Même mon fonctionnement biologique était chamboulé : je ne dormais plus pareil, ne mangeait plus pareil, bref toutes mes sensations étaient différentes.

Très vite, j’ai eu de grosses angoisses. Je crois honnêtement ne jamais avoir ressenti d’angoisses avant sa naissance, j’étais quelqu’un de zen, même si j’ai toujours eu une face torturée. Elles étaient écrasantes et paralysantes, d’affreuses angoisses de mort. J’avais peur qu’elle meure. Comme si c’était couru d’avance, comme si un malheur allait arriver, que sa petite vie ne pouvait pas durer. Je n’arrivais pas à l’imaginer plus grande, à me projeter dans le futur avec elle, je ne voyais rien. ça a été très compliqué à gérer, ça l’est toujours même si ça va mieux.

Au fil des mois, il m’arrivait de passer un bon moment quelque part sans ma fille et de ne pas penser à elle pendant vingt ou trente minutes. Puis quand je réalisais, je m’en étonnais. Je me disais tiens, t’as réussi à l’oublier un moment ! C’était étrange mais agréable, comme revenir dans une vie passée où, pendant quelques minutes, tout était comme avant. Une vie passée plus simple, sans les angoisses, sans toutes les étapes stressantes, sans penser à qui que ce soit d’autre 23h45 sur 24. La vie d’avant.

La vie d’avant, elle m’a longtemps manquée sous certains aspects. L’insouciance. La liberté de mes mouvements et de mon temps. Le sommeil profond. La disponibilité mentale. La possibilité de ne pas penser aux mêmes choses en boucle. La spontanéité. Les soirées ou il était facile de se rendre, sans organisation préalable. Les sorties improvisées et les discussions qui se poursuivent jusqu’à très tard. Notre vie de jeunes parisiens privilégiés, invités partout, super actifs, pleine d’expériences folles, de voyages, de rencontres étonnantes, de musique, de bons restaurants...

Tout ça tu tires un trait dessus quand tu deviens parent, en grande partie. Tu réinventes tout, tu t’adaptes beaucoup, tu fais des compromis, tu choisis une sortie plutôt qu’une autre, tu rates des anniversaires, des occasions spéciales. Tu es devenu parent, tu as des responsabilités supplémentaires, ton plaisir ou ton envie du moment ne sont pas prioritaires sur les besoins de ton enfant. Ton enfant EST la priorité ultime, c’est une réalité aliénante. La vie des autres continue de tourner, avec ou sans toi.

Mais ce qu’on sait de manière rationnelle sans le "palper", c’est qu’ils grandissent. Ils grandissent et tout passe. Quand tu te réveilles 5 fois par nuit pendant des semaines, tu oublies que ca ne sera pas toujours le cas, t’es noyé, broyé ! T’as pas la lucidité de te dire que ta réalité sera complètement différente dans un an, dans deux, dans cinq. T’es juste embourbé là où tu es.

Mais un jour, et quand je dis un jour je veux dire des centaines de jours et de phases improbables plus tard, tu regardes autour de toi et le chaos est parti. Tu as du temps de nouveau, tu as de l’espace à nouveau, tu dors à nouveau, tu penses à toi à nouveau. C’est beaucoup plus facile.

C’est précisément à cette période que la bascule s’est faite pour moi.

ça y est, Indie était à l’école, elle avait même des activités extra-scolaires, on avait un rythme de croisière qui nous convenait super bien, on avait du temps pour travailler, pour faire des choses en famille et pour faire des choses en couple et chacun de notre côté. On était très heureux ! C’est fou ! La liberté que je croyais avoir troqué pour toujours contre une vie de daronne était de retour. Pas exactement comme avant bien-sûr, mais je percevais des tas de possibilités qui faisaient pétiller mes yeux et mon coeur.

Alors, un deuxième enfant, haha non ! Certainement pas maintenant, pas au moment précieux où j’avais l’impression de pouvoir enfin récupérer une vie sociale épanouissante.

On a fait plein de trucs. J’ai fait plein de trucs ! On est retournés en festival, on s’est fait des sorties en amoureux, j’ai commencé à prendre des cours de guitare, je suis allée à tous les anniversaires de mes amis auxquels je n’étais pas allée depuis longtemps, même si ils habitaient à l’autre bout de la France... Comme avant.

Et cette fois, j’avais la disponibilité mentale pour le faire, je pouvais PROFITER ! Sans être rongée d’inquiétude de savoir si mon bébé avait bien pris son biberon, si elle avait bien eu son traitement pour l’asthme, si elle n’avait pas peur chez sa mamie, si elle avait fait la sieste à la bonne heure... J’avais juste à m’amuser, j’en étais là et c’était formidable ! Une petite renaissance personnelle.

Mais... Mais ? Ouais.

Mais c’était pas comme j’avais imaginé. Pas aussi bon, pas aussi glorieux. C’était même un peu étrange parfois, oserai-je dire décevant ? Pourtant, tout était comme avant : les mêmes gens, les mêmes lieux, les mêmes discussions intéressantes, les mêmes marrades, les mêmes codes, tout était pareil, c'était la vie d'avant.

Tout sauf moi.

Cette vie dont je n’avais toujours pas fait le deuil, que j’idéalisais et fantasmais, cette « vie d’avant » ce n’était tout simplement plus la mienne. Je pouvais toujours y naviguer et y trouver du plaisir occasionnellement, mais ce n’était plus pareil.

Ma vie désormais c’était d’être devant l’école à 8h30 pour y déposer la plus merveilleuse des petites personnes de l’univers, d’être au cours de poney le samedi à 16h, de lire le même livre trois cent cinquante fois en y mettant toujours autant d’entrain, de me coucher vers 23h parce que je suis fatiguée depuis 5 ans, de la voir grandir, la serrer fort, la regarder dormir. Et je ne le faisais pas uniquement par sens des responsabilités, parce que mon rôle de mère me le demandait, mais parce que j’aimais profondément cela.

Je suis une femme, une mère, une artiste. J’aime sortir, écrire, chanter, danser, refaire le monde parfois ET m’occuper de mon enfant et de ma famille le reste du temps. Tout ce que je suis et tout ce que j’aime cohabite de façon harmonieuse. Je n’ai plus besoin de regarder en arrière pour voir si c’était pas mieux avant, je suis à ma place ici et maintenant.

Quelques mois plus tard, lorsque tout cela a été digéré, l’envie d’un deuxième enfant a poussé avec fracas la porte derrière laquelle elle était contenue.

Puis par un jour brumeux et venteux, alors que nous étions à Tadoussac sur un bateau de tourisme à espérer apercevoir une baleine ou deux, Anthony a mis son bras autour d’Indie et moi et a dit « il y’a encore un peu de place là ! »

Voilà comment tout s’est terminé et comment tout a recommencé.










 

Vendredi prochain : le premier mois de grossesse

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